Janvier

Mercredi 9 janvier
Le documentaire sur la mécanique du lynchage médiatique, lequel se nourrit de certaines convictions policières et judiciaires sur certains protagonistes présumés de faits divers (en l’espèce trois parangons : Chouraqui et la prétendue guerre des cliniques, Baudis et le délirant réseau de barbares sexuels, Outreau et ses fantasmés pédophiles), rappelle que les journalistes ne savent toujours pas tirer les leçons des dérives antérieures au point, comme dans l’affaire d’Outreau, d’afficher la même véhémence d’abord contre les monstres d’Outreau puis, lorsque les mensonges de Badaoui et des enfants ont été établis, contre cette infâme justice qui a conduit des innocents en détention préventive. Imaginons un seul instant le déchaînement de la presse si, à l’époque, les accusés avaient été laissés en liberté… Qui influence qui ?

Dimanche 20 janvier, 22h35
Encore un bref passage au rythme de ses envies qui s’achèvent trop vite. Tournis des semaines et des années centrées sur un travail alimentaire.

Formateur, piètre fonction sans transcendance, aux très rares moments d'exaltation intellectuelle. Tout mon être se tend vers la prochaine pause, l'espérée halte qui suspendra ces inutiles périodes.
Carlos décédé à soixante-quatre ans, Heïm a dû en prendre un coup (il est dans sa soixante-quatrième année). Moi, cela m’a d’un coup projeté aux féeriques instants de complicité, entre Hermione, Karl et moi, où nous improvisions, dans ma chambrette du château d’O, un trio musical sur le 45 tours du Loup-garou de Bourgalou. Carlos le jovial offrait, dans ces quelques minutes, toute la jubilation qu’espéraient les préadolescents que nous étions.
A cet instant, je me remémore la configuration précise de ce château reconverti en relais et château de luxe. Il me faudrait relater toutes les atmosphères gardées en moi comme autant de souffles constitutifs…
Pour en revenir au feu fils de Françoise Dolto, sa disparition catapulte ce passé plus loin encore, rendant plus prégnante la nostalgie qui s’y substitue.
Ma maman fêtera, le 5 février prochain, ses soixante ans ! Nous la visiterons à la fin du mois précité pour lui adresser toute notre affection. Ne faudrait-il pas s’efforcer de fréquenter davantage nos ancrages affectifs, familles et amis, plutôt que de laisser couler le sablier sans se manifester autant qu’on le souhaiterait ?
Vu un touchant documentaire sur Albert Jacquard (dans la série Empreintes, de belle facture). Appris que la croix physique qui l’a miné de longues années, avant sa notoriété, était due à un grave accident de voiture dont il réchappa au prix d’un enlaidissement post opératoire. Son intelligence sensible et son extrême lucidité attisaient sa souffrance du regard des autres. Par ailleurs, appris aussi que ses premières passes d’arme idéologiques l’ont été avec le Club de l’horloge (concurrent de la NDF de Heïm) et avec Louis Pauwels du Figaro magazine qui lui avait reproché de ne pas savoir distinguer « le diamant de la merde »…
Là que je prends conscience de mon évolution idéologique : le discours d’un Pauwels n’a, aujourd’hui, plus l’ombre d’un attrait pour moi. Se défier des chapelles, des clans, des écoles systématiques de pensée, et se fier plutôt à ses propres, profondes et sincères convictions. Jacquard, homme de gauche, voire d’extrême gauche ? Cela n’amoindrit pas mon admiration pour l’engagement du personnage. La maturité intellectuelle c’est de ne se sentir aucune appartenance a priori, mais de se trouver des affinités au-delà des clivages idéologiques apparents. Une leçon de vie…

Lundi 21 janvier, 23h20
Ce soir, dans le journal du monde sur LCI, l’incisif Vincent Hervouët interrogeait le président colombien en visite à Paris. Sa détermination à éradiquer les Farc se fend d’une volonté de ne pas désobliger les instances françaises dans leur quête (éperdue) de libérer la fragilisée Betancourt. En revanche, pas un mot sur Chavez et son impact auprès du groupe. Comme une obscénité à oublier au plus vite…

Jeudi 24 janvier, 22h37
Dès le 18 août 2007, j’écrivais sur les vautrements boursiers qui submergent l’économie aujourd’hui. A se focaliser sur les indéfendables dérives du « capitalisme financier », pour reprendre le quasi pléonasme du directeur de Marianne, les anti-capitalistes s’ébrouent, ravis de légitimer leur argumentaire de mise à bas du système vicié. Par ce malhonnête raccourci, on condamne l’outil parce qu’il a été utilisé à mauvais escient. Curieux réflexe idéologique. A ce compte, interdisons l’agriculture puisque des sagouins empoisonnent nos sols, éradiquons la production industrielle face aux infectes exploitations humaines de quelques enseignes, vomissons le tertiaire empuanti par des escrocs de tout acabit… stérilisons l’espèce humaine, par la même occasion, à force de se désespérer des salopards qu’elle accueille dans ses rangs.
L’angle légitime d’attaque doit donc sérier les défauts sans verser dans l’inepte table rase… pour lui substituer quoi ?

Vendredi 25 janvier

Coup de pouce… dans l’cul !
Pas que le frénétique Président qui sait adroitement nourrir les médias.
L’image irrésistible de la propagande commerciale de la Société générale, c’est le gentil pouce qui, en toute occasion, fait le geste souteneur, voire salvateur. A l’époque, découvrant le nouveau symbole de l’établissement financier, mon esprit mal placé a immédiatement dérapé : pas besoin d’un grand écart pour que le coup de pouce se transmue en doigt mal placé.
Puéril rapprochement, je l’admets. Pourtant, l’opération de communication de la troisième banque française n’en est aujourd’hui pas si loin. Elle annonce sept milliards de pertes (ce qui correspond à plus de deux ans du chiffre d’affaires d’une société comme TF1), mais dont les deux tiers seraient indépendants de la volonté du gentil pouce bancaire. Le coupable de cet abysse financier : un infâme trader livré en pâture au Média à quatre têtes (TV, radio, presse et Internet) qui se pourlèche de sa bobine version photomaton flou, de son banal parcours rapidement brossé, et même du message de son répondeur hors service. Trémoussements du Média qui a enfin son sujet économico bancaire sexy en lieu et place de l’indigeste scandale des subprimes qui hoquette depuis août 2007.
Résultat de l’opération Poupouce : les premiers titres se focalisent sur l’homme qui perdit cinq milliards, laissant loin derrière les deux autres ridicules envolés dans les choix désastreux d’achats de créances irrécouvrables, et ce avec la bénédiction de la direction bancaire. De là à imaginer de commodes vases communicants pour charger la mule-trader : le pouce reste songeur dans la bouche…
Pourtant, de multiples experts financiers s’époumonent à rappeler qu’un tel gigantisme de pertes cumulées sur une année par un seul et obscur courtier s’avère totalement impossible, sauf à mettre immédiatement à bas les multiples procédures de contrôle en place. Face à ce scepticisme, un homme turgide, le gouverneur de la Banque de France, croit sur parole la version Poupouce
En attendant, le Tchernobyl financier suit son cours, quitte à nous rappeler douloureusement, tôt ou tard, que les pouces bancaires ne servent pas qu’aux soutiens bien placés. En effet, le vrai scandale, mais de nature mondiale celui-là, et portant probablement sur des centaines de milliards d’euros, c’est l’opportunisme poussé à l’absurde. Des organismes de crédit et des banques acharnés à fourguer des prêts immobiliers à des individus n’ayant manifestement pas les moyens pour rembourser, et empressés de vendre ces créances douteuses annoncées à haut rendement à des traders en quête de juteux placements. La titrisation systématique a donc infecté le réseau financier mondial, et ce jusqu’en France, contrairement aux premières allégations rassurantes de responsables politiques.
La purge s’avère bien nécessaire, mais sans pour autant accorder un quelconque crédit idéologique aux anticapitalistes prêts à descendre globalement le système (pour quoi ? on ne le sait pas…).

23h50. Petit combiné entre mes écrits des deux derniers jours et celui du 18 août 2007 pour parution dans mon blog principal, sous le titre élégant Coup de pouce… dans l’cul ! Pub faite auprès de mon fichier internet et, par le biais de commentaires, sur quelques sites de la presse.
La photo de ce Jérôme Kerviel, ainsi que son identité figurent partout, sauf dans mon blog : refus de participer à ce lynchage médiatique nappé d’un brin d’admiration. Mes foudres visent plutôt l’établissement bancaire et ses responsables planqués (en revanche, les supérieurs du trader ont été, comme de plus crédibles fusibles, licenciés sur le champ).
Dans le Droit d’inventaire : Mai 68, visionné ce soir, touchant moment d’interview mené par la nièce Drucker qui ne peut se priver de tutoyer son Michel d’oncle. Cohn-Bendit a conservé intacte sa réactivité, n’hésitant pas à gratifier d’« ordure » le feu Marchais qui l’avait stigmatisé dans une chronique parue dans L’Humanité et empreinte d’un antisémitisme en filigrane.

Février

Samedi 2 février, 23h30
Un nez pris et une fatigue passagère m’a fait me coucher tôt (23h), un chouia avant ma BB dont le réveil s’imposera vers 5h20.
La semaine qui s’annonce battra des records de présence à Cqfd : quarante-deux heures cumulées entre les FFP et la présence administrative. Intérêt de bien farnienter demain pour me préparer à ce cumul.
Dans le dodo, petit tour d’actualité hebdomadaire avec Le Monde week-end. Une façon de ne pas me restreindre au traitement superficiel des médias audiovisuels dans lesquels je vais plutôt me nourrir des débats sur les faits porteurs de polémiques.
Vu l’hommage de Hondelatte aux acquittés d’Outreau dans une édition spéciale de Faites entrer l’accusé : les sept ou huit présents semblaient encore loin d’être remis. La seule à respirer la joie de vivre, et pour qui Outreau a finalement ouvert des portes professionnelles qu’elle n’aurait jamais pu approcher, c’est Karine Duchochois, aujourd’hui tenant une rubrique sur France Info concernant… la Justice. Il semble qu’elle ait sa carte de journaliste. Une belle fin pour cette « ambitieuse » (selon son propre terme) qui s’assume. Elle jurait, parmi les démolis d’Outreau, par sa légèreté et sa transfiguration physique et vestimentaire.
En vrac, dans l’actualité : les municipales qui risquent de porter un vote sanction à la présidence Sarkozy. Marié ce matin à la belle Bruni, et ce en toute discrétion, l’activiste politique doit désormais se consacrer à l’engagement austère, mais efficace.
Le Liban souffre des attaques incessantes d’Etats comme la Syrie. Le redressement économique semble encore bien lointain, à la merci d’influences délétères.
Et encore épinglé par le rapport annuel de HRN (Human Rights Watch) le régime castriste, et ce sans aucune ambiguïté. Aucune liberté d’expression, pas de vie privée, une capacité réduite de circulation, etc. Et dire que mon article Le castrateur de Cuba avait suscité la révolte de quelques fanas du leader Maximo… douillettement installés en France. Pitoyable !

Lundi 4 février, 22h
Semaine écrasante en perspective et rhume entêtant ont un avantage dans la gestion de ma soirée : me conduire plus rapidement au lit et me laisser tenter par l’écriture de ce Journal dans sa dix-septième année.
Ce soir, au Franc-parler d’Itv, le flamboyant de Villepin débarrassé des engoncements costume-cravate pour une veste-pull au col roulé en parfaite cohérence avec sa nouvelle posture de libre censeur du pouvoir exercé par son irréductible et triomphant adversaire politique.
Le voilà se mêlant de tout, jaugeant, jugeant, déclamant sa vision d’une France à l’excellence diplomatique renouvelée, à l’indépendance de la politique étrangère revendiquée, à la détermination sans reniement de compter en Europe et dans le monde. Il déroule ses arguments, les teintant d’un lyrisme porteur…
Vrai que le physique compte dans l’incarnation de la France : de Villepin a autrement plus d’allure, même loin du pouvoir, que le frénétique Sarkozy aux proportions peu avantageuses. Pourquoi le nier ? La volonté de conquérir le pouvoir y a été d’autant plus exacerbée chez lui que sa présence physique pouvait décevoir.
Définitivement, l’ex Premier ministre se dispense de tout engagement politique via les urnes. Grand commis de l’Etat, il assume ce choix, mépris de la démocratie élective pour certains, et se cantonne à éclairer de son expérience ceux qui veulent l’écouter.
Un Jospin de droite, l’influence des réseaux en moins : lui reste le panache d’une parole libre…
Aujourd’hui, le Congrès du Parlement a modifié la Constitution pour rendre possible la ratification du Traité de Lisbonne.

De Cambronne à Lisbonne
Deux ans après le retentissant « merde ! » à l’Europe de l’Hexagone, les Nonistes s’ébrouent à nouveau, avec un baroud des donneurs de leçons démocratiques. Vagabondage dans les contrées de la mauvaise foi et de l’amalgame.Les indécrottables partisans du Non au feu traité constitutionnel, de l’extrême droite à l’extrême gauche, des souverainistes aux internationalistes de nouveau alliés de fait, ont hurlé en chœur au « déni de démocratie » !
Deux ans après avoir fait repousser par le peuple français ce projet d’inspiration française, strictement rien de viable et permettant un consensus à vingt-sept n’a été mené à terme par les Nonistes qui vont aujourd’hui, dans leur abjection de la voie parlementaire choisie pour ratifier le traité de Lisbonne, jusqu’à se risquer à des parallèles oiseux, pour ne pas dire scandaleux. Ainsi, quelques voix anonymes venant commenter, sur le site Agoravox, un article souverainiste, se laissent aller à la menace, se vautrant dans l’incitation à la haine : « Pour ma part je noterai le nom de tous les traîtres qui voteront ce texte, de tous les journalistes qui nous expliqueront qu’il n’y avait pas d’autres solutions pour le jour de la libération et les procès de l’épuration qui suivront... » éructe le bougre Non666, du peuple sans doute, mais non identifié.
En quoi la chronologie des élections et la transparence des intentions combinées ne permettraient-elles pas au pouvoir exécutif en place de choisir la ratification par les élus du peuple ? Les élections présidentielles, puis législatives, ont eu lieu deux ans après le Non référendaire. La campagne du candidat de l’UMP a été claire sur sa résolution à recourir au Parlement pour adopter le nouveau traité négocié par les vingt-sept. Une référence suffira : le 14 avril 2007, le Focus du Monde est consacré à la construction européenne et aux propositions sur ce sujet des candidats principaux aux élections présidentielles. Pour le prétendant à l’Elysée Sarkozy, il est indiqué que « ce traité ne justifierait pas le recours à ce stade à un deuxième référendum, mais pourrait être ratifié par voie parlementaire. »
Alors au nom de quel principe vaseux, mais clairement populiste, les Nonistes ne peuvent-ils tolérer qu’une représentation nationale légitime (rappelons l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme qui valide la démocratie représentative), élue postérieurement à la consultation référendaire, ne pourrait ratifier le traité de Lisbonne ?
Cette sacralisation démagogique de la voie populaire, évidemment incapable d’erreur, imperméable aux influences malhonnêtes, me fait songer à une autre sacralisation, heureusement dépassée depuis l’an 2000, celle du jury populaire d’assises. Parce que le jugement avait été rendu par un échantillon du peuple au nom de ce même peuple, on ne pouvait imaginer qu’un appel puisse intervenir sur le fond, là même où l’accusé risquait le plus. Il aura fallu l’énormité de la gabegie judiciaire et l’erreur dramatique (pas isolée, mais reconnue celle-là) du jury populaire dans l’affaire Dils pour qu’enfin la raison ouvre l’appel aux jugements des assises.
Faudra-t-il vraiment mettre à bas l’essentiel de la construction européenne à force d’enlisements successifs du fait de décisions référendaires (et si le peuple d’Irlande, cette fois-ci seul consulté directement, décidait de rejeter le traité ?) pour comprendre que la voie populaire n’est pas forcément la panacée, d’autant plus lorsque ce qui forme la majorité permettant le rejet ne peut en aucun cas se retrouver sur une quelconque majorité constructive : quel rapport entre le Non d’un Besancenot et le Non d’un Le Pen, entre le rejet du souverainiste de Villiers et celui des altermondialistes tendance Bové ? Rien, hormis l’acte destructeur : un « merde ! » stérile à l’Europe. De fait, les Nonistes ont prouvé, notamment par les élections ultérieures, qu’ils n’avaient aucune crédibilité unitaire dans la proposition d’un autre texte pour des institutions européennes en phase avec le nombre de membres.
Autre argument de l’intolérable pour les partisans d’un nouveau Non français : le traité serait une copie conforme, mais en plus illisible (première contradiction interne) du traité constitutionnel. Et alors ? Si les « outils », pour reprendre le vocable giscardien, que proposait le texte de 2005 semblent les plus adéquats pour créer un consensus à vingt-sept, doit-on s’en priver, encore une fois ? Croit-on vraiment que les Français n’ont pas voulu d’un président de l’UE élu par le conseil européen pour deux ans et demi, qu’ils ont abhorré l’extension proposée des pouvoirs du Parlement européen, qu’ils ont vomi l’élargissement de la majorité qualifiée à davantage de domaines pour éviter le blocage systématique ? Soyons sérieux…
Quant aux politiques libérales qui seraient fourguées en catimini dans l’indigeste traité de Lisbonne, les dénonciateurs de ce scandale (on est en économie de marché, incroyable !) oublient de signaler que le contenu des politiques qui peuvent exister dans l’UE, cela se décide lors de deux élections : celle de l’exécutif de chaque pays membre qui modifie le Conseil européen, lequel impulse les grandes orientations politiques, et le Conseil de l’Union européenne en charge de les mettre en œuvre ; celle du Parlement européen qui codécide dans de plus en plus de domaines du contenu des politiques. Il ne m’est pas apparu très flagrant que dans les vingt-sept se dessinait un basculement du pouvoir au profit de l’extrême gauche ou du souverainisme droitiste. Mais sans doute ai-je mal observé…
Voilà donc l’opportunisme des Nonistes qui se rappelle à notre hanté souvenir, celui d’un grand gâchis qui n’a débouché sur rien, sauf une multitude de palabres, de sincères vœux d’intention mais sans aucune prise en compte de la réalité politique des autres pays membres. A force de chipoter sur les détails, les Nonistes oublient les fondamentaux de la raison d’être de l’UE…
Et, bien sûr, ce sont les députés (notamment socialistes) qui ont voté la révision constitutionnelle qui apparaissent comme les traîtres. Le nationalisme social s’ancre dangereusement dans notre pays...

Mercredi 6 février, 23h
Je m’ingénie à dénicher le titre coup de poing pour ma gueulante contre les Nonistes. Pour l’instant, rien de bien convaincant. Peut-être que la plongée ensommeillée portera davantage conseil, exaltera un chouia plus l’imagination. Tentons…

Dimanche 17 février, 21h50
Tôt sous la couette pour aspirer la quiétude du logis, la plume glissante et le Valparaiso inspiré de Sting. L’équilibre de vie s’affirme, dans la modestie financière certes, mais largement compensée par la douceur existentielle. Les destins de chacun m’ont éloigné de ce qui constituait toute mon existence il y a encore dix ans (enfin, un peu plus). Un tel délaissement de ma part ne peut s’expliquer que par l’extrême mal être que j’avais développé sans me l’avouer. Hypocrite rapport avec plusieurs des gens du Nord, idéologie aux relents mâchés sans conviction, presque machinalement : le faux-semblant minait toute tentative d’être en phase avec ma réalité intellectuelle beaucoup moins monolithique que le conditionnement heïmien le laissait transparaître. Ainsi mes convictions européennes, ma défense sans concession de l’aventure Union européenne, au point de me fâcher avec Hermione. Moi, souverainiste sous influence, j’ai découvert la portée du combat des défenseurs de l’Europe, et le traité constitutionnel en a été le magnifique summum, malgré la flopée de déjections qui l’ont fait disparaître sous le Non honteux.
Big Sarko disjoncte : après avoir défendu, comme candidat, l’abandon salutaire de la repentance française à l’égard de ses boulets historiques, le voilà comme possédé par la contrition, proposant que chaque élève de CM2 se couvre de l’ombre terrible d’un petit d’homme déporté par les abjects nazis, le plus souvent guidés par les sbires pétainistes.
Sans, bien sûr, remettre en cause la valeur émotionnelle et identificatoire d’un tel embrassement à travers les âges, on peut se risquer à y voir quelques effets contre-productifs. La sordide concurrence des mémoires se fera jour, contraignant l’école à charger ses ouailles d’autres ombres enfantines victimes des bourreaux du siècle technico-barbare.
Pourquoi donc revenir sur sa volonté d’en finir avec la flagellation permanente par les lames des noirceurs françaises ?
Nouvelle échappatoire à une plus triviale actualité : morosité socio-économique, assèchement des finances publiques, retard des effets de réformes, précocité de l’effondrement sondagier. Big Sarko tente la distraction pascalienne par l’annonce fracassante, les polémiques cultivées, les fariboles privées…
Le voilà qui, manifestement, peine à dénicher la stature présidentielle : son discours saluant la ratification française du Traité de Lisbonne (qu’il persiste à nommer « traité simplifié » pour s’arroger l’exclusive paternité) en est un flagrant témoignage. La gestuelle agitée, le dynamisme forcé, la tonalité mal placée ont transformé ce qui devait être une intervention solennelle en démonstration de VRP en campagne promotionnelle. Sans mutation profonde de son fonctionnement et de sa gestion de la pression extérieure, je pressens le pire pour la suite, à moins que le terme en soit raccourci.

Vendredi 22 février, 11h
L’estafilade éphémère se lance vers les monts et plaines de notre nation en discrète campagne municipalo-cantonale. La vrille médiatique s’excite pourtant sur les grotesques tribulations de l’ostentatoire Neuilly-sur-Seine. L’engoncé, l’empesé, l’affecté jusqu’au cou surgonflé, figurine mal dégrossie, l’amer David Martinon avait tenté le parachutage doré, adoubé par Sarkozy Ier. Cette première coque artificielle s’est alourdie de piètres prestations ; le charisme d’un lavabo les meilleurs jours, d’un bidet les autres, des frustrations et humiliations se cumulant, ont dynamité la bringuebalante expédition en terre neuillaise.
La subtilité du message de ses adversaires s’est résumée à un détournement patronymique digne des cours récréatives. Le « Martinon Non ! Non ! Non ! » a parachevé le loufoque panorama du ballet électoral.
Débarqué le porte-parole de l’Elysée, dont même la demande de démission n’a pas été approuvée. La place vacante a déchaîné les à-coups et vaseux retournements : le candidat dissident qui devient l’officiel de l’UMP, le colistier de Martinon qui s’engage dans la dissidence et le fiston Sarkozy qui va se frotter aux urnes pour honorer la belle voie ouverte par le papa président.

Samedi 23 février
Au calme à Saint-Crépin, les copies au lamentable contenu (pour 95 %) corrigées, je me ressource aux pages de ce Journal, dans sa dix-septième année. Une bien sereine adolescence après des années heurtées de petite enfance. Ne plus se tourmenter d’une existence que l’on pérennise à son aune et non pour satisfaire de tierces et envahissantes attentes.
De là, une attention au monde pour aiguiser son regard critique, mais pas forcément monolithique.

Dimanche 24 février

Le sale con de l’agriculture
Quel paradoxe : les mêmes qui se sont ingéniés, depuis quarante ans, à désacraliser la fonction présidentielle, se courroucent aujourd’hui d’avoir un chef d’Etat aux écarts de buvette. Personne, pourtant, ne peut se déclarer foncièrement étonné sur sa façon d’être : il est à l’aune de ce qu’il a montré, des années durant, comme ministre de l’Intérieur, où il bénéficiait d’un pistage médiatique inégalé pour un tel poste. Même le Pasqua de 1986 respire la doucereuse naphtaline si on le compare à l’activiste Sarko-Beauvau.
Les premiers à jubiler de cette involution du chef de l’exécutif : les journalistes qui multiplient les gros plans, les débats, les retours en triple couches sur les bruyantes tribulations de l’Elysée-Sarko-Show.
Les Américains ont eu leur Bush, innommable vulgarité politique pour les condescendants Français qui ont porté au pouvoir celui dont ils connaissaient sans ombre le Cirque d’Etat permanent.
En outre, que le premier des Français verse dans le franchouillard mauvais ton relève presque de l’obsession consubstantielle à la fonction depuis la mort de Pompidou, et ceci avec la bénédiction implicite du peuple électeur.
Plonger un peu dans les à-côtés comportementaux du fringant Giscard d’Estaing, souillant sa particule et son phrasé guindé sur l’estrade d’Yvette, avec l’accordéon en bandoulière pour convaincre qu’il a quelque chose en lui de populeux, relativise le gainsbarrien « casse-toi ! » du sanguin président. Jauger les bréneuses casseroles du mesuré Fanfan Mité, que les médias institutionnels (publics et privés) comme la grande presse ont occultées pendant plus d’une décennie alors que Le Crapouillot (feu magazine étiqueté d’extrême droite) les livrait sur la place publique dès le début du septennat, édifie sur la gravité d’une vulgarité existentielle face à quelques excès grossiers du peu agreste Sarkozy. Renifler les incongruités langagières et les familiarités redondantes du dégingandé Chirac ne fait que souligner la tendance outrancière de son Brutus politique.
L’internet s’ébroue ou se goberge face à l’échange entre le citoyen de base qui, par une périphrase sans ambiguïté, traite de merde (« Tu me salis ! ») le Président de la République, lequel le tutoie et l’insulte, le renvoyant à son insondable insignifiance.
Fallait-il le mépriser par le silence, à la façon d’un Balladur (digne héritier de Pompidou, le dernier de nos présidents ancienne manière) que les Français, après l’avoir porté au pinacle comme Premier ministre, n’ont pas voulu comme locataire feutré de l’Elysée ? Fallait-il l’ignorer pour les caméras et demander au service d’ordre de l’intimider en coulisse par quelques arguments musclés dont le pouvoir exécutif a le secret ? Fallait-il, sinon, lui signifier un immédiat dépôt de plainte pour injure envers le chef de l’Etat ? Autant de voies raisonnables ou traditionnelles qui ne traduiraient plus l’instinctive personnalité du schismatique Sarkozy.
Alors oui, la dignité de la fonction est foulée aux pieds, selon les critères vieille France ; oui, il a fait du talion verbal sa marque réactive. Mais, finalement, qu’attendaient ceux qui l’ont élu (pour ses adversaires, l’indignation entretenue est on ne peut plus logique, banale) ? D’avoir un président sans écart de langage, bien ripoliné aux entournures, pondéré dans toute situation, même lorsqu’un scrogneugneu l’insulte ?
Croit-on à de la stratégie politique ? Encore parler de lui pour le traîner dans la boue, quel fin tacticien ! Son problème : dès qu’il se replace dans le réfléchi, le complexe, le retenu, par exemple lors de son récent discours sur l’Union européenne, il est inaudible, sans relais, sans aucune agitation médiatique enthousiaste ou fustigeante. Ses penchants caractériels le poussent alors à de sporadiques coups d’éclat qui le remettent en scène sous les feux de Big Media.
Devait-il passer du politique boutefeu au président flagellé se drapant dans la majesté de la fonction pour laisser couler le jus des projectiles pourris ? La haine attisée le rendra plus vulnérable à la folie d’un citoyen pressé d’en finir… Là est le risque majeur. Nous reviendrions alors à du feutré, du bien hypocrite, du sans vague comme on l’aime tant qu’on ne l’a pas comme interminable quotidien.
Toujours insatisfait, toujours à s’en prendre à ceux qui ont la charge de gouverner ce pays, le peuple de France maintient son ancestral penchant à brûler ses idoles, même lorsqu’elles lui ressemblent jusqu’au bout des mots.

Lundi 25 février
Hâte, hier soir, pour saisir ma dernière envolée pamphlétaire, au titre Canard que je voulais être le premier à lancer sur la toile, avec date certaine, ce que le site AgoraVox permet, même en cas de refus. Le sale con de l’agriculture n’avait germé dans aucun esprit d’internaute, à mon plus vif contentement. Quelques copier-coller du début de cette volée d’encre bouillonnante sous des articles de presse valant commentaire et renvoyant vers mon Blog pour authentifier davantage la date, et la sérénité du besoin littéraire accompli s’est niché en moi.
Ce matin, depuis Rueil, un petit tour d’appoint sur l’actualité via Google puis un détour sur LDP qui m’informe d’un premier commentaire sous ma dernière ponte.
Stupéfaction à son ouverture : une signataire anonyme me déclare, tutoiement à l’appui, s’être retrouvée sur mes blogs et avoir été émue de me lire, même si les idées défendues ne sont pas partagées. Sombre et alarmiste tonalité lorsqu’elle confie espérer que je ne me rends plus « au château » et encore moins les éventuels enfants que j’aurais pu avoir. L’année 2002 de mon Journal à taire, mis en ligne, semble lui avoir confirmé la « folie » qui imprègne quelques figures de ceux que j’ai mis à distance par l’appellation géographico-brélienne Gens du Nord. Sans doute l’allusion aux violences de Hubert envers sa compagne… lui le salaud de magistrat qui, quinze ans plus tôt, a très certainement tenté de violer celle qui m’écrit treize ans après notre dernière entrevue (à Misery, dans une ambiance délétère, missionné par Heïm pour déceler le prétendu détournement de biens). Je n’ai, en effet, plus de doute lorsque ce message espère que mon histoire, avec celle que je surnomme BB, se poursuit et qu’il s’achève avec des « bisous d’un autre bb » ! ses initiales à la reprise du patronyme initial de son père, et sous lequel elle s’est mariée. Alice qui tente ce nouveau contact affectif avec moi, c’est une inénarrable émotion qui me submerge.

Avec le recul, combien mes coups de sang contre elle, jusque dans les pages de ce Journal, étaient injustifiés et ne relevaient que de la stratégique et salaude influence de Heïm qui n’aurait pas admis la moindre subsistance de lien entre ceux de son entourage, plus ou moins proche, et cette fille reniée après ses attaques contre le mythe heïmien.
Comme me reviennent les confidences de mal-être de ma sœur de cœur, notamment lors d’une promenade duale dans les terres agricoles qui s’étendent à l’arrière du château d’Au. Mes propres échecs encore chauds, ma conviction d’avoir gâché un fantastique projet de vie, m’empêchèrent de la prendre par la main pour nous affranchir de cette oppressante existence. Leborgne aura eu le mérite de lui permettre un salutaire éloignement.
Son soupir final, « que de vies gâchées », auquel j’ajoute que de liens injustement perdus, ne laisse aucun doute sur la qualité toujours présente de son extrême sensibilité. Au contraire de sa sœur Hermione qui a mis ses idées avant l’affection qui nous liait, Alice se moque de nos divergences idéologiques, du moment que l’humanité partagée peut nous rapprocher à nouveau.
Je forme le vœu qu’elle se manifeste, à mon invitation à m’écrire en privé via l’une de mes adresses e-mail.

Jeudi 28 février, 0h30
De retour, avec ma BB, du joyeux film de D. Boon, Bienvenue chez les ch’tits. A propos du Nord, la suite du contact avec bb (Alice) s’avère contrastée.

Sa haine envers Heïm est telle qu’elle juge mes propres critiques (notamment dans les pages clandestines mises en ligne sur un blog à accès restreint) bien minorées.
Vrai que ce qu’elle me rapporte sur le personnage confine à l’horreur : l’abus systématique de ses enfants de sang ou rapportés. Ainsi Hubert qui aurait été, enfant, abusé par lui, attaché à un radiateur et autres délires sadomasochistes avec sa mère comme soumise complice. Karl, lui aussi, aurait eu à connaître des abus sexuels de Heïm, tout comme Béatrice, fille de Maddy, et Alice elle-même. Seule inconnue pour elle : Hermione a-t-elle aussi connu un viol de son père ?
L’affaire, colporté par Heïm, du prétendu viol d’Alice par son frère Hubert serait une pure manifestation du soudard : il aurait lui-même demandé à son fils, après une soirée arrosée, d’aller coucher avec sa sœur, ce qui s’est résumé à un tendre endormissement dans les bras de sa soeurette.
Bien sordide tableau dépeint qui renforcerait la thèse d’une manipulation systématique pour l’assujettissement conditionné de ses proches. Tout comme cet état physique, annoncé depuis si longtemps en phase terminale, notamment en 1991 ce qui m’a incité, après une forte influence rhétorique, à accepter de prendre la tête, pour la façade légale, de la SERU. Dix-sept ans plus tard, le mourant est toujours vivant !
Vrai aussi qu’un Mitterrand a tenu presque quinze ans avec un cancer aux effets normalement foudroyants. Part du réel et de l’amplifié chez Heïm… sujet à creuser.

Alice n’a, en tout cas, pas de mot assez violent, incendiaire pour caractériser les agissements criminels de son géniteur.

Mars / Avril

Samedi 1er mars
Jeudi dernier, dans la matinée, une violente explosion au gaz, en plein cœur de Lyon : un pompier décédé et une quarantaine de blessés. Le lieu, à moins de deux cents mètres de la place de l’Europe où j’ai résidé quelques années et à deux pas du Monoprix où je faisais mes courses.
Curieux sentiment de voir aux journaux télévisés et en photos sur Internet cette partie du Cours Lafayette jonchée de gravas, avec d’énormes flammes sortant du sol…
L’enquête devra déterminer les responsabilités.

Vendredi 7 mars, 23h30
Période de surcharge professionnelle qui laisse peu de place pour l’approfondissement diariste.
A noter, tout de même, le suivi contrasté avec Alice qui ne manque pas, à chaque occasion, d’exprimer sa haine et son dégoût de son géniteur, le « miasmique » Heïm. Fascinante et interloquante rupture qui l’a fait me soupçonner de n’être pas encore maître de ma plume et de mes penchants pamphlétaires. 
Comme si le feu inspirateur opérait encore clandestinement, à mon insu même, en moulant ma forme d’expression excluante. Ces attaques larvaires, revendiquées ironiques, attisent ma grogne tout affective soit-elle.


Dimanche 9 mars, 0h34
Agréable soirée avec la famille paternelle dans notre nid lyonnais : mets confectionnés par ma BB, puis festif visionnage d’Astérix : mission Cléopâtre. La patte Chabat demeure d’une infaillible efficacité pour le rire démultiplié.
Premier tour des municipales : pour affirmer mon devoir citoyen, j’aborderai ces élections avec un prisme exclusivement local. L’actuelle équipe Collomb me convient, et ce d’autant plus face à l’artificielle implantation de l’ex ministre Perben.

Dimanche 16 mars

Angles de vie
Alors que les Gens du Nord de mon Journal ne m’enchantent plus depuis bientôt une décennie, voilà une décade que le sourire me vient lorsque je songe aux ch’tis de Boon. La fraîcheur de ce film, même s’il puise la mécanique de quelques quiproquos langagiers dans l’efficace Dîner de con, ravit, rassure sur l’existence d’un populaire chaleureux, bon enfant, bourvilien.
Cette fête à l’âme m’incite à effectuer mon devoir de citoyen, limité pour ce dimanche à la plus agreste des élections, les cantonales : comme un printemps de l’électorat. Notre bon Gérard Collomb aime Lyon, et notre arrondissement le lui a bien rendu.
A deux pas du bureau de vote, sis dans une jolie petite école primaire classée, aux pierres de taille apaisantes, j’ai participé au dépouillement et fleuré, dès la première centaine de bulletins, la performance de notre maire sortant. J’ai alors profondément ressenti, comme fondu dans ce réjouissant résultat, que mon exil volontaire des terres picardes avait laissé toute sa place à un serein ancrage lyonnais aux côtés de ma BB. Notre élu Collomb m’offrira donc de belles balades des bords du Rhône aux futurs bords de Saône sur un vélo’v confortable. Je lui souhaite le plus constructif des mandats.
Goûter cet angle de vie, mais rester sans indulgence pour ce qui se profile par le délire des fous furieux de l’économie virtuelle, une espèce de syndrome Kerviel. Le sujet serait-il minoré par les grands médias, qui lui ont préféré le plus vendeur fait divers du trader avec ses gros pâtés boursiers, en raison d’une panique monstre qui suivrait le premier signe d’un effondrement de notre système financier ? Les nouvelles cumulées, dans les pages intérieures de journaux rébarbatifs pour le grand public, et les analyses de certains spécialistes laissent augurer que le Tchernobyl économique ne nous épargnera pas, là où le directeur de la Banque de France psalmodiait du « Tout-va-très-bien ! ». Que les trois plus importantes réserves étatiques de l’Occident injectent quelque deux cents milliards de dollars dans les circuits financiers, sans que cela rassure durablement les actants grégaires de l’économie virtuelle, suffit pour pressentir le pire.
Jamais je ne me suis adonné à ce petit jeu du boursicoteur en herbe ; en revanche, je suis contraint, par le contrat social, de laisser le petit pécule gagné à la disposition des frileux opportunistes qui s’excitent sur les rumeurs pour forger, de fait, l’économie mondiale. La gabegie des subprimes a infecté tous les réseaux financiers : la malfaisance des responsables sera occultée et les Etats viendront éponger les pertes, dans le meilleur des cas. Pendant ce temps, les fonds souverains d’autocraties (pour certaines revendiquées communistes !) se dorent les bourses en pleine croissance…

Finalement, revenir à l’univers de proximité, aux êtres chers encore de ce monde ou disparus. Centrer ses sens sur la complicité duale de belles âmes choisies pour ne pas sombrer dans de barbares représailles. Ainsi, mon aimée grand-mère, disparue fin 2006, et qui me manque pour toujours et à jamais. S’emplir de son souvenir et embrasser un bel angle de vie.

Samedi 22 mars
Se sentir porté par la frustration accumulée, jusqu’à se revendiquer enragé. Pierre Viansson-Ponté avait pressenti, dans les colonnes du Monde, deux mois avant le paroxysme insurrectionnel et une semaine avant le mouvement de Cohn-Bendit et quelques autres, l’impasse sociale d’une France à bout de souffle.

Dimanche 23 mars

Une politique étrangère… au monde
Piteux profil de notre politique verbale étrangère ! N’envisageons même pas les actes : le néant sidère.
Lorsqu’il s’agissait de s’élever contre les Etats-Unis, boutefeux pour un messianisme occidentalo-démocratique, la France, par le verbe villepinien et la stature chiraquienne, tenait son rang. Certes, je ne partageais pas cet entêtement à laisser le sanguinaire Hussein se jouer ainsi de la communauté internationale, mais il fallait reconnaître la dignité d’une position maintenue malgré les représailles économiques.Ce qu’on a pu faire naguère avec la première puissance mondiale, le suractif président Sarkozy ne peut l’insuffler face aux obscénités diplomatiques d’un Kadhafi, aux escroqueries pseudo démocratiques d’un Poutine et, aujourd’hui, aux férocités répressives des potentats chinois.
Faut-il laisser l’Allemagne et la Grande-Bretagne condamner ces dérives sanglantes sans que cela nous inspire ? Est-ce ainsi que se prépare le terrain de la présidence française de l’Union européenne ? Ronds de jambe, sourires crispés, langue avalée, porte-monnaie quémandeur… Terne, bien terne coloration de notre politique étrangère : aucune vision enthousiasmante possible, sauf à être aussitôt ratatinée à sa portion congrue. Citons, pour l’oublier dans l’instant, l’Union de/pour la Méditerranée phagocytée par le poussiéreux processus de Barcelone.Le fort en gueule Kouchner a parfaitement assimilé les règles de la realpolitik au point de dépasser sa cousine socialiste, Ségolène Royal : là où elle s’extasiait de l’efficacité de la Justice chinoise (un modèle du genre, en effet, pour l’exécution des sentences de mort, avec facturation de la balle utilisée à la famille du condamné), il lâche, marquant le paroxysme d’une diplomatie de tiroir-caisse, les « formidables progrès » pour les droits de l’homme de l’administration Hu Jintao. Sa rectification, en forme d’euphémisme honteux – « ce ne sont pas des progrès quand on tire dans les rues » au lieu d’un plus clair quand on assassine des opposants tibétains – laisse songeur sur la ligne indigne suivie par le french doctor. On se souvient pourtant, avant qu’il ne goûte au maroquin, de sa verve prête à déplacer des montagnes et qui, désormais, ne soigne plus que de sonnants et trébuchants intérêts.
Le candidat UMP s’était, lui, engagé à tourner la page d’un Quai d’Orsay trop complaisant sitôt que se profilent quelques juteux contrats. Résultat : on vire Bockel qui l’ouvre un peu trop sur une nauséeuse politique française en Afrique, donnant ainsi raison aux quelques indignitaires bénéficiaires de nos largesses. Ne surtout pas abandonner une parcelle fructueuse du continent noir à ces chers communistes chinois…
L’hôte de l’Elysée a flanché par son talon médiatique et tente une nouvelle stratégie : reprendre les fondamentaux de la Ve pour atteindre une certaine hauteur présidentielle. Doit-il, pour autant, s’élever jusqu’à devenir inaudible sur un tel sujet ? La distance du chef de l’Etat confine à la spécialisation dans les chrysanthèmes au point de délaisser son devoir premier : faire entendre la voix de la France face aux flagrantes violations des droits de l’homme, ceux que Kouchner identifie en plein essor dans cette même zone du monde.L’OCDE table sur une récession américaine qui ferait s’effondrer cette année la croissance des Etats-Unis (1,4 %) sous celle encore accordée à la France (1,8 %), quelque peu protégée par la zone euro. Cette incroyable nouvelle économique ne vaut-elle pas quelques contrats sacrifiés par nos dirigeants français pour atteindre, enfin ! une diplomatie à hauteur d’homme ?
« La liberté c’est le droit au silence » portait un mur de Censier en 1968 : pas sûr que ce soit un précepte respectable pour notre si étrange politique étrangère…

Jeudi 27 mars
Comme presque chaque soir de cette semaine, brève plongée dans quelques pages de La mort est mon métier de Robert Merle, paru en 1952. Bien avant Les bienveillantes, ce roman tente de tracer le profil complexe des bourreaux nazis par une approche intrinsèque qui nous fait assister au fonctionnement mental des criminels ordonnés. Edifiant.
Et voilà que des journalistes français évoque une Carlamania naissante en Grande-Bretagne, et qui pourrait bien passer la Manche, après l’admirable prestation de l’épouse présidentielle lors de la visite d’Etat achevée ce soir.
Moi, c’est en 1995 que j’ai écrit sur cette femme intelligente, sensible, raffinée et possédant l’extrême sens de la situation. Mon Brûlant hommage à Bruni n’a pas dépassé les pages de ce Journal, mais était destiné à paraître dans un projet de feuille de presse gratuite qui ne vit jamais le jour (initiative de Maryline R.). Treize ans plus tard, elle est la première dame de France et confirme tout le bien que je pensais d’elle.

Samedi 29 mars
Le spectacle judiciaire va connaître l’une de ses plus atroces représentations pour deux mois d’horreur exhaustive. La promotion en a été faite quelques semaines durant par des médias rappelant, sporadiquement, la date d’ouverture et diffusant des documentaires sur le couple monstrueux.Enfin, la première audience et l’abject Fourniret qui tient, sans décevoir, son sinistre rôle, ergotant sur la publicité du procès et ne souffrant pas la présence dispendieuse d’avocats commis d’office : trois pour digérer un tel dossier.
Sa compagne, pour le macabre et pour le pire, a tenté l’apparente contrition : physique transfiguré pour faire oublier sa brune noirceur.

Lundi 31 mars
Ce soir, au Franc-Parler d’Itv, l’économiste Cohen confirme l’alarmisme que je développais dans ces pages le seize courant. La possibilité d’une implosion du système financier américain nécessiterait l’intervention de l’Etat et de la banque fédérale pour l’équivalent du PIB annuel français, soit deux mille milliards de dollars.
A folie financière, enragé judiciaire : Fourniret le sordide laisse couler ses abominations suite à l’émouvant témoignage de celle grâce à qui il a pu être neutralisé. Son effroyable cynisme ne peut que s’épanouir, prospérer dans la procédure qui préserve les droits des accusés, et bien heureusement d’ailleurs pour ce dernier point. Seul souhait : qu’il ait les plus difficiles conditions carcérales possibles.


Samedi 5 avril

Vivre ! Ingrid Betancourt
Plus de six ans d’enfermement dans l’enfe
r kaki des FARC. Criminelle, Ingrid Betancourt Pulecio ? Selon la qualification pénale française de la durée de la peine imposée : oui… ou récidiviste invétérée.
Admirable femme qui se meurt de trop de dignité, d’une débordante humanité, d’une fidélité à ses convictions.
Jusqu’à ce 23 février 2002, une douceur de vie à l’irrésistible ascension : entre les bureaux ministériels de Colombie et le prestige parisien de l’Unesco, l’enfance se nourrit du sens de l’autre et favorise la noblesse politique.
Aiguiser sa maîtrise des idées au sein du bouillonnant IEP, là où elle entendra résonner le timbre du chevaleresque, et alors professeur en exercice, de Villepin. S’enrichir des multiples doctrines, des parcours heurtés ou fugitifs, des talents épanouis pour affirmer sa volonté de changer son pays pour qu’il tende vers ce que l’on croit bon pour lui. Voilà l’élan pour la Colombie de cette femme lumineuse. L’engagement politique par le suffrage des urnes : jauger les arcanes de l’exécutif puis tester sa légitimité par la conquête du législatif. Insolente réussite, sans doute, mais qui aurait tant apporté à ce pays en lutte interne si de pseudo révolutionnaires, d’authentiques criminels, n’avaient brisé cet envol.
Dix ans, pour son parti Oxigeno Verde, orphelin pour plus de la moitié de son existence. La voie vers la présidence colombienne a violemment bifurqué vers les rives barbares.Sa résistance première s’est faite sur cette route de Florencia à San Vicente del Caguan, implacable piège. On lui refuse les airs, elle s’obstine à rejoindre son objectif par les terres, si truffées de guérilléros puissent-elles être. Ne pas entacher sa campagne présidentielle par un renoncement en rase contrée. La lumineuse résistante est toute entière dans cet acte : plutôt entravée debout que libre courbée.
Mais aujourd’hui, les affres, puis la mort seraient la seule libération possible ? Atroce épilogue pour un être qui peut tant insuffler à son pays… Impossible de s’y résoudre. Lignes passionnées pour espérer une renaissance. Trop de tentatives avortées, de démarches à l’aveugle, d’initiatives éperdues pour ne pas croire encore et plus que jamais à sa résurrection au sein des siens.
Que ceux qui la retiennent, elle comme des milliers d’autres otages à ne pas oublier, aient bien conscience du terrible poids d’une universelle condamnation si elle devait expirer sous leur joug. Dans La mort est mon métier, de Robert Merle, le futur maître du camp d’Auschwitz, alors simple ouvrier en usine, assène son postulat de vie : « On me confie une tâche, et mon devoir est de la faire bien, et à fond. » Il est temps pour eux, aujourd’hui, de dépasser leur mission, de ne plus être ces barbares consciencieux pour distinguer leur devoir d’humanité.
A Ingrid Betancourt, sans retenue !

Mercredi 9 avril, 23h17
Curieux comme l’opinion mondiale, dans sa partie médiatisée, a délaissé les ressentiments contre les messianiques américains pour concentrer leur haine sur le pouvoir chinois. La gestion des révoltes tibétaines a horrifié les mêmes qui ignoraient l’impitoyable autocratie communiste à l’expansionnisme économique entretenu.
Attribuer les J.O. à la Chine, c’est d’abord remettre le peuple chinois au cœur de la communauté internationale. Pour le reste, des engagements pris par le pouvoir qu’on ne pouvait sérieusement croire.

Lundi 14 avril, 22h39
Calme dans mon existence, tourbillons dans l’actualité. Rien de transcendant dans ces semaines pro qui défilent. L’activité se fait de plus en plus comme une obligation alimentaire et non pour un quelconque plaisir de faire. Fondamentalement, cela me barbe. L’ambiance à Cqfd n’est pas si mirifique : quelques tensions dévoilées, une démission acceptée, des agacements de part et d’autre… Rien de cataclysmique, mais de navrantes failles qui s’imposent.
L’actualité virevolte : des obscènes entêtements du criminel Fourniret à la magistrale libération des otages sur le Ponant, la palette s’ébroue.

Mardi 15 avril, 22h26
Ce soir réunion, dans la cage d’escalier, avec quelques copropriétaires et ceux qui sont chargés de changer la colonne EDF. Une charge financière conséquente pour mon salaire modeste qui a nécessité une épargne depuis plusieurs mois, non encore achevée alors que le premier versement doit intervenir ce mois-ci.
Les polémiques intra gouvernementales, avec couverture médiatique disproportionnée, se multiplient : vraie dérive de l’équipe ou enfumage volontaire pour permettre aux réformes douloureuses de s’exécuter presque clandestinement.
PPDA se lâche au JT du soir, commentant l’indigne tortillement du cul du comité olympique français qui remet en cause le port, par les athlètes, d’un badge avec la mention « Pour un monde meilleur », expression qui apparaîtrait pourtant dans la charte de l’olympisme. Quelle pitoyable courbure d’échine pour ces autorités aux ordres. Le journaliste a donc rappelé que la formule du badge « ne cassait pourtant pas trois pattes à un canard laqué » ! Agacement de mise.

Vendredi 18 avril, 22h43
Mollesse généralisée pour aborder cette semaine de congés après une période chargée en heures de FFP (face à face pédagogique) : à cumuler un débat sur les émeutes de la faim – émission Ce soir (ou jamais !) d’hier – sur le trafic d’organes dans C dans l’air et les deux derniers volets de The War, le moral sombre face à tant d’horreurs. Là où je devrais exulter de cette parenthèse régénérante au sein de l’intense activité professionnelle, je me laisse imprégner par la seule humeur qui puisse accompagner ces terribles dérives humaines : la triste morosité. Pas l’envie de poursuive.

Samedi 19 avril
7h30. Et pour couronner la soirée d’hier, pages de La mort est mon métier, immersion dans le cortex trop bien ordonné du pas encore commandant d’Auschwitz.
Matinée physique à participer au déménagement d’une collègue de BB. Ça passe le temps…

Dimanche 20 avril

Le ramolli mois de « mais » !
La contestation, cru 2008, va tenter, vainement, de se hisser à la hauteur de son aînée quarantenaire. Non point qu’il faille, raisonnablement, trouver une quelconque filiation idéologique entre ces deux ires estudiantines, mais la comparaison instinctive s’imposera si l’ampleur des grognes printanières se dessine.
A ceux qui voulaient mettre à bas le système social des Trente Glorieuses, répondent aujourd’hui les adversaires de toute atteinte aux effectifs en charge de l’enseignement public. Pas d’envolées politico lyriques dans cette défense du statu quo : juste le souci de l’immobilisme, à défaut de pouvoir obtenir un plus-de-dépenses non assuré d’engendrer de meilleures performances.
« Rétablissement des postes supprimés et [de] ceux transformés en heures supplémentaires ; pas plus de 25 élèves par classe ; maintien du BEP et de la carte scolaire ; rétablissement des filières, options et classes supprimé[e]s ; embauche des personnels nécessaire[s] ; régularisation des élèves sans-papiers ; non application du rapport Pochard. » : voilà l’appel de la coordination nationale lycéenne. Pour contribuer à leur mouvement, utile au regard d’acquis déficients, je leur ai signalé, entre crochets, trois belles fautes dans leurs revendications. Juste pour rire…
Un Etat de droite contraint de saisir l’opportunité d’un départ massif à la retraite de la génération qui voulait changer le monde, pour tenter de dompter l’irrépressible abysse budgétaire. Les grognes sourcilleuses de la Commission européenne et le sens de la responsabilité politique l’imposent. Comment insuffler une austérité financière sans toucher aux effectifs pléthoriques de l’Education nationale ? L’initiative reste homéopathique – 11 200 postes non renouvelés sur 1 153 705 personnes (chiffre de 2005), soit 0,97 % de la masse salariale – et pourtant : le « pas touche ! » lycéen émerge et voudrait mettre à profit l’avant saison printanière pour enfler et s’offrir un joli (et bruyant) mois de mai.
Dates prises avec la sphère fonctionnaire pour défiler contre l’Etat politique, mais pour toujours plus de fonction publique d’Etat. Reste à dénicher le prétexte catalyseur : la malheureuse petite phrase désobligeante du ministre Darcos, la prestation intransigeante du Fillon de Matignon ou, délectable paroxysme à guetter, l’écart langagier d’un Elysée sarkozyé. Jubilation des immobilitionnaires, à coup sûr ! Les syndicats tenteront alors la jonction : contrairement aux indigestes pavés de leurs parents, les sages objectifs de la génération 08 peuvent s’accorder avec les à-coups syndicaux pour un ‘tit gain social. Contrepouvoir nécessaire qui ne sortira pas des codes de l’Etat de droit.
A cette sonore et mouvante mobilisation se grefferont les féroces nihilistes, les révolutionnaires en manque de soirs sanguinaires, les casseurs aux barbaries urbaines : la frange saprophyte qui surgit à chaque déambulation estudiantine pour prélever de force son dû, selon le modèle primaire de la consommation sans entraves, et détruire à tout va pour soulager ses poussées d’adrénaline. Souvenons-nous des fins de cortèges anti-CPE et de leurs déjections comportementales.
A l’ennui de la jeunesse soixante-huitarde, embarquée dans une frénétique reconstruction par des géniteurs tout en grisaille, obsédés par l’enfouissement des traumatismes de la Seconde Guerre, répond une envie diffuse des huitards du vingt-et-unième : pérenniser les avantages structurels établis par leurs parents et grands-parents, pour ne surtout pas hypothéquer leur chance d’attraper les petits bouts de gras offerts par une France pas encore tout à fait rance…
Quel grand écart, finalement, et même pas douloureux ! D’un côté, l’ardent désir d’ébranler les institutions et l’économie débridée, allant jusqu’à suggérer sur un mur de la vénérable Sorbonne : « Les avantages sociaux, c’est la mort ». De l’autre, la volonté de préserver, de garantir, de renforcer et d’agrandir un modèle branlant, mais rassurant. En somme, en quarante ans, nous voilà passés des arrhes d’une révolution avortée à l’art d’une dévolution sociale fissurée.
Se situer entre ces deux aspirations, cela semble plus facile pour « un qui balance entre deux âges », comme moi, pas encore né aux temps des barricades ensablées et plus au contact des pupitres depuis quelques lustres.
Une petite mise en garde à la génération lycéenne 2008, pour que ses desseins trouvent une voie politique ; je la puise dans les imaginatives prescriptions que le papy-boom avait inscrit dans ses vertes années, au cours d’un mai chahuteur : « Suppression du droit de vote avec la retraite » (Arcades, rue Corneille, Odéon). Sans quoi, aucune chance que la jeunesse actuelle, minoritaire dans la population française, puisse convaincre les dirigeants de l’exécutif d’aller à l’encontre du mastodonte soixante-huitard à l’aube de la quille.
« Il n’y aura plus désormais que deux catégories d’hommes : les veaux et les révolutionnaires. En cas de mariage, ça fera des réveaulutionnaires » : boutade relevée sur le mur de l’Education surveillée.

Mardi 22 avril
Ce soir, un docu-fiction de Serge Moati sur le passé « vichysso-résistant » de François Mitterrand. Le réalisateur avoue son étonnement et sa déception lorsque l’ouvrage de Pierre Péan pointa la zone d’ombre. Ce qui surprend, chez Moati comme chez tant d’autres qui semblèrent tomber des nues, c’est le manque total de curiosité.Le magazine Le Crapouillot, certes classé à l’extrême droite, avait consacré plusieurs numéros à ce thème, et le premier dès 1972 ! J’ai en possession ceux de 1984, 1988 et 1990. Comment un esprit fureteur comme celui de Moati n’a-t-il pu découvrir avant ces révélations. Moi, simple adolescent en 1984, j’en savais donc bien plus que nombre des Mitterrandiens… Cela laisse songeur sur la pratique de l’autruche pour préserver la pureté ressentie de celui qu’on adule.
Finalement, n’ai-je pas procédé de la même façon à l’égard de Heïm ? N’aurais-je pu écouter plus tôt le discours alarmiste de mes parents ? Chacun refuse, à un instant donné, ce qu’il perçoit comme des sources infréquentables…

Mercredi 23 avril, 0h23
Déception sur le docu-fiction de Moati, encore trop complaisant, excusant presque tous les choix opportunistes de Mitterrand. De Gaulle est campé comme un bourru falot. Certaines versions contestées du parcours sont entérinées : les prétendues trois évasions, l’existence d’un réseau Morland, la conception précoce de faux papiers, le coup d’éclat salle Wagram… Mièvre, donc, le résultat de ce film qui montre Mitterrand à la tête d’un journal engagé et libre sitôt sa carrière ministérielle retardée. Rien sur sa participation à Votre beauté, magazine fondé par le cagoulard Schueller… Le Fanfan mité s’en sort donc bien… l’histoire a ses chouchous, même chez les sulfureux.

Vendredi 25 avril, 1h28 du mat.
Tout juste couché, je ne peux me dérober à cet appel de la plume pour du ressenti à chaud.
Après un dîner avec les parents B animé de sujets polémiques, visionnage en différé de la prestation du président Sarkozy.
Rien à faire, il faut lui reconnaître une efficacité dans la communication. Le format de l’émission, combinant le décor de l’Elysée pour insuffler du solennel au bling-bling, avec un ton déterminé, sans apparente langue de bois, a touché juste.
Sans doute l’obstination, la férocité journalistique étaient-elles absentes, mais l’agressivité revancharde, à la façon d’un Domenach (commentateur de la prestation sur France 2), aurait été déplacée et sans résultat pour son auteur.
L’impopularité ne cessera pas, mais la perception d’un homme qui entend assumer ses choix politiques, quoi qu’on en pense, s’est renforcée. Alors peut-être un rééquilibrage selon les clivages traditionnels.
Côté journaliste, à noter un David Pujadas accrocheur, un PPDA peu présent, vieillissant et aux UV mal répartis, une Catherine Augé un peu transparente malgré sa sublime chevelure argentée, un Yves Calvi pertinent et sachant transposer son ton Calvi au format d’une interview présidentielle et un Vincent Hervouët tout en nuances incisives, parfois moins adapté au format, qui ont finalement servi l’argumentation du chef de l’Etat.
A chaud : une bonne prestation à l’impact limité.
9h10. La réaction de Ségolène Royal, reçu dans le sept-dix de Nicolas Demorand, n’a, elle, pas brillé par la mécanique pavlovienne de sa critique à tout va de l’émission. Toujours cette désagréable impression de l’entendre éructer en lieu et place d’une argumentation raisonnée.

Samedi 26 avril
De l’estival au bord du Rhône en attendant ma BB. Lecture intensive pour me préparer à cette petite reprise, trois jours d’activité, puis une nouvelle pause de quatre. Les parents de BB, arrivés jeudi soir, passent la journée à Toucieux avec quelques anciens de la famille pour un anniversaire de mariage.
Mon Ramolli mois de « mais ! » publié sur AgoraVox n’a engendré que de très crétines remarques. De moins en moins d’intérêt à me confronter aux haineux qui se dissimulent – pour un retour sur blog bien maigre.

Mai

Jeudi 1er mai
9h30. Hier, sitôt sorti de Cqfd, je retrouve ma BB au garage pour filer en Grande Punto vers Montagnac, dans l’Hérault. Retrouver l’univers barbare des automobilistes, avec ses grosses cylindrées qui s’énervent dès qu’on s’attarde sur leur voie de gauche pour doubler à notre rythme. Pitoyables couillons !
Je remarque une nette reprise de la vitesse excessive qui nécessiterait une plus féroce répression. Le paradoxe : au nom de la préservation des libertés individuelles on entérine de fait le prélèvement de vies sur les routes, ce lot morbide de morts violentes et prématurées.
Passage obligé sur l’asphalte autoroutier pour rejoindre maman et Jean dans le gîte loué. Arrivés un peu avant 23h, nous mangeons dans une chaleureuse ambiance de vacances et maman nous fait découvrir, par photos, l’avancement de la construction de la maison estivale sise dans une partie du jardin de Fontès. Les murs sont édifiés et la toiture s’annonce pour les prochaines semaines. Du plaisir d’été et d’intersaisons à venir, la maison devrait être livrée à la mi-juillet.
Découpé en trois, le jardin est méconnaissable avec ses arbres abattus, sa haie partiellement rasée et les traces temporaires du gros œuvre. La demeure qui se dessine préfigure les rires familiaux, les conversations sonores par le goût des polémiques maîtrisées, les jeux prétexte aux délires partagés : la palette renouvelée d’une complicité humaine pérenne. Comme un hommage existentiel à mon adorée grand-mère : perpétuer, sur ce lieu, la densité affective, les instants de vraie communion festive, l’essentiel de la vie vive, ces parenthèses que l’on voudrait comme éternité.

Vendredi 2 mai
Journée familiale, avec l’oncle Paul et sa compagne Liliane venus en voisins fontesols pour le repas et la promenade dans les ruelles de Montagnac.
Après la visite de quelques caves coopératives ce matin, nous irons prendre le café chez eux avant, BB et moi, de rouler vers Arles, pour un tout autre univers.
Vu hier, sur l’ordinateur de maman, la photographie d’une peinture, apparemment non torturée, de Bruce : il faut lui reconnaître un talent dans la conception, la mise en forme, en couleurs et en espace de ses toiles. Que cela l’épanouisse, je lui souhaite, mais je doute d’un impact éthique sur son rapport au monde. L’art n’a jamais favorisé l’exemplarité existentielle. Nos goûts pour les œuvres de certains ne peuvent s’encombrer de la trajectoire parfois sordide de leurs auteurs.
Exaspérant sujet d’actualité : le pauvre pouvoir d’achat des Français. J’en viens même à changer de chaîne, de station ou à tourner la page lorsqu’un média nous farcit de cette antienne qui agrège tous les mécontentements. Nous faire accroire que la situation moyenne de la population s’est dégradée, lorsqu’on jauge son taux d’équipement technologique et la course effrénée à satisfaire ses désirs, rebute et agace. Comme cette tarte à la crème d’un euro qui serait le péché originel expliquant l’envolée des prix depuis maintenant six ans.
Que le peuple arrête de se prendre pour un conglomérat de cons ou, tout au moins, qu’il fasse preuve d’un minimum de mémoire. Toute situation monétaire est ambivalente, bien sûr, mais ne vaut-il pas mieux bénéficier d’un bouclier protecteur qui, entre autres avantages, freine la hausse du pétrole pour les consommateurs automobilistes, que de fantasmer sur les illusoires bénéfices que nous aurait apporté un franc dévalué à deux reprises en un demi siècle ?
Chacun s’est habitué, à l’époque des surplus agricoles (les peuples des futurs pays émergents crevaient, eux, de faim, mais ça ne nous affectait pas plus que cela…) à payer toujours moins sa nourriture. On ne peut aspirer à toujours plus de confort, de loisirs, et se hérisser dès que des masses de gens accèdent simplement à un mieux vivre qui passe forcément par l’alimentation. Il faudra admettre payer plus cher pour se nourrir et renoncer, le cas échéant, à l’accessoire de l’équipement.
Des miséreux qui acceptaient leur sort, nous voilà à l’ère du misérabilisme revendicateur. Chacun justifie sa défiance à l’égard des dirigeants politiques, économiques, par des simplismes rassurants sur sa propre posture victimaire. A partir de quelle donnée peut-on affirmer qu’il y aurait plus de malfaisants, en poids relatif, chez les dirigeants des multinationales que chez les employés ? Dans son esprit approximatif, le citoyen anonyme admet qu’il y ait des brebis galeuses dans ses rangs, et s’en fait même parfois des sujets de fantasme ou de fascination, de Kerviel à Fourniret, mais perçoit comme une généralité les déviances humaines des détenteurs de pouvoirs. Sachons, là aussi, rester modeste dans nos sentences.

Samedi 3 mai
9h10. Nuit dans le joli nid de Fanny (à Aix en Provence pour le week-end), après un dîner partagé avec Louise et Richard. Occasion de goûter un Pineau des Charentes d’exception et un Cognac X.O. hors d’âge, mêlé aux volutes d’un cigare de Guantanamera.
Attente que ma BB soit en beauté pour aller vagabonder dans les artères colorées du marché d’Arles. Je me laisse bercer par quelques airs inspirants d’un signet de mon MP3 : Jeff Buckley, John Legend… et parcours les myriades d’objets et décorations qui personnalisent ce charmant appartement. Comment ne pas déceler dans ce lieu la belle âme qui l’occupe.
Cela replonge dans ces instants de joyeuse troupe qui magnifièrent quelques soirées improvisées. Ces moments où le bon esprit fuse et la complicité semble ne pas vouloir expirer. Les Fanny, Mylène, Romy, Aude autour de la sœur de BB, et tous ceux à présence variable, qui savaient créer, le temps d’une réunion, la trame festive pour un partage à renouveler.
Du factuel, plus que jamais, la réflexion en berne. Poursuite de La Décennie de Cusset qui me permet de contrecarrer, dans la marge, certains arguments.

Dimanche 4 mai
10h04. Retour au bercail. Curieux comme certaines ambiances, tout accueillants que soient les hôtes, me laissent fermé. Comme si je ne pouvais sortir de ma réserve défensive. Cochon de caractère que je me trimballe !
Hier soir, évocation des délires sentimentaux (réglés aujourd’hui) du fils de Richard, avec une Tunisienne jamais rencontrée, de dix ans plus âgée, et n’offrant aucune autre perspective qu’un gouffre financier pour assouvir les besoins d’interminables entretiens téléphoniques.
Ce fantasme de l’idéal féminin, qui vous transporte dans l’irrationnel, je l’ai eu vers 1994, avec une certaine Rachel C. (au pseudo d’Ornella, via le Minitel) et dont je n’avais eu que quelques soupçons de voix et une photo… de dos ! Heureusement, pas de téléphone obtenu ce qui m’a évité les conséquences pécuniaires, mais ce qui a dessiné la non sincérité de la demoiselle, voire sa perfide manipulation. Ainsi s’aguerrissent les petits cœurs que les mâles sensibles tentent de ne plus être, ou plus que de façon parcimonieuse.

Lundi 5 mai, 23h24
Tentative de reprise du Shaeffer offert par ma BB et qui n’a jamais eu un débit d’encre digne d’un plume. Ma douce travaille cette nuit, une reprise à regret pour nous deux. Terne vie professionnelle, pour ma part, qui ne répond qu’aux nécessités minimales financières. Cette vie active n’a rien de transcendant. Le néant existentiel n’est pas loin. Pas d’amertume, juste la conscience de mes limites, de mon absence d’ambition.

Mardi 6 mai, 23h23
Alors que l’an I du quinquennat sarkozyen s’achève, les médias s’ébrouent sur le bilan. Dans N’ayons pas peur des mots, le chenu, mais toujours vivace, Philippe Tesson s’enthousiaste sur l’audace réformatrice du chef de l’Etat. Pour lui, aucun président de la Ve n’avait entrepris autant de projets de changement à la fois et dans tous les domaines. La population française semble admettre la nécessité de ces réformes, même si, individuellement, chacun voudrait ne pas en subir les contraintes en les réservant à ses voisins. Toujours cette incapacité à se remettre en cause dans son fonctionnement social.
Le relationnel amical se délite, chacun focalisé sur les obligations de son existence. Les relances d’invitation ou de contact de Barbara & Jean-Luc, d’Eddy & Bonny, n’ont rien donné. Des disponibilités beaucoup plus rares d’Elo, d’Aline & Pedro. L’éloignement de Shue a raréfié les contacts, celui de Liselle les a anéantis. Piteux résultat donc.

Vendredi 9 mai
Le dîner à une quinzaine, mercredi, chez une collège de ma BB, a confirmé mon peu d’enclin pour les réunions groupales. Chacun laisse transparaître une face tellement incomplète ou déformée que tout écart à l’apparente harmonie s’identifie comme une incongruité à étouffer dans l’œuf. Les trois quarts des présents, pris à l’unité, n’ont rien de désagréable, bien au contraire, mais leur conversation de prédilection, sitôt le grégarisme assumé, c’est l’attaque ad hominem visant leur univers professionnel. Le vice est poussé jusqu’à se lâcher à la critique d’un couple invité, parti en premier le café achevé.
Ce n’est pas tant le regard acéré qui m’incommode, ma pratique pamphlétaire me rendrait sinon incohérent, que son expression en l’absence des sujets de rogne et sans remettre en cause la face affichée lors de leur présence.
Tout de même, dans l’assemblée réunie, un médecin et sa (récente) compagne m’irritent : l’un s’essaye à la nonchalance urticante, l’autre rabaisse son agaçant partenaire dès qu’une occasion surgit. Dès que j’ai pu contrecarrer un argument du thérapeute, je l’ai fait avec une froideur et un tranchant explicites. A leur départ, la distraite poignée de main échangée avec le bougre, la femme n’ayant pas, à ma grande satisfaction, fait le déplacement jusqu’à moi, et la teneur définitive de l’au revoir prononcé, ne laissaient aucun doute sur le peu d’affinités réciproques.
Je n’ai tout de même pas poussé mon caractère réfractaire jusqu’à l’éclat assumé à la Dupontel, dans Deux heures à tuer, pour ma BB et les autres sympathiques convives.

Samedi 10 mai
Au Q boat, sur la confortable terrasse qui doit être inaugurée le 15 courant. L’artère verte de ces bords du Rhône reste bien peuplée à 20h15. Défilé estival qui doit enchanter l’équipe municipale reconduite. Totale appropriation par la population lyonnaise. La propreté des pelouses laissées à disposition, pour une fin de journée, tendrait à démontrer un respect des lieux.
Après mon pessimisme foncier dans le grand Manus, me voilà presque rassuré dans ce Manus portable.
Reprise de la vie près du fleuve. Le symbole et la pratique ont propulsé Lugdunum au troisième rang des grandes villes où il fait bon vivre.
Comme souvent, je dois être un des rares attablés seuls : avec un Monaco, quelques cacahuètes, la pop de mon MP3, aucun regret de cette situation et tendre pensée à ma BB.
Quelques témoignages flatteurs sur mon Journal mis en ligne : le désert les entourant autorise, pour affermir un peu l’ego, que j’en laisse trace dans l’objet des louanges.
D’abord un lyonnais anonyme, résidant rue Bonnel, s’enthousiaste d’avoir pu trouver ce témoignage de vie qu’il rapproche des extravagances d’un Bukowski, l’imprégnation alcoolique retirée. Sans doute ma période batifolante avec échos dans ces pages.
Le Bring on the night sur scène, avec un virtuose des blanches et noires, vous envoie vers l’ubiquité stellaire, des ondes musicale comme un voyage à la vitesse des sens, tous azimuts, sans limite, inénarrable décollage vers les cimes de l’impro, chef d’œuvre incarné des élancements rythmés.
Les aventures humaines, les dons de soi pour une cause qui permet de faire un peu grandir l’humanité réconcilient avec cette espèce imprévisible.
Un entre chien et loup prononcé va m’élancer vers d’autres sphères. Improvisons, en selle de mon Bitween Seven.
Fin du parcours pour du conventionnel en couche épaisse : cité ciné et la dernière méga production hollywoodienne : Iron Main. Sans doute médiocre pour le scénario, la plongée dans le spectaculaire compensera les grosses ficelles. Pour se purger les boyaux de la tête.
La singularité du son de Keziah Jones me fait patienter dans la salle d’attente du complexe.
Les bords du Rhône connaissent une vie estivale sans pareille, avec tous les atouts du farniente multiforme.
Deuxième réaction d’Alice sous mon article Le ramolli mois de « mais ! » : elle estime que seules les mauvaises explications justifient le mécontentement lycéen ; rien sur la possible frilosité de certains, l’abus d’autres avec pour unique visée la dispense de cours (j’ai concrètement assisté à ces comportements lors des grognes entretenues contre le projet Devaquet, en 1986 ou 87). Commode refuge dans le systématique renvoi de la faute sur le dirigeant en place.
Outre cette option de l’ultra tolérance, Alice m’abjure de croire en l’humanité et de faire plein d’enfants pour leur léguer une terre préservée par le combat acharné d’une communauté humaine bienveillante (j’en rajoute un chouia dans la reformulation !). La divergence est là centrale : je n’ai aucun enclin pour le concept globalisant d’humanité, d’autant plus en parcourant ses dérives sanglantes, ses barbaries toujours recommencées, et ce depuis ses débuts. Si la fréquentation peut me conduire aux meilleurs sentiments et jugements, je garde cette méfiance léautaudienne a priori.

Dimanche 11 mai

23h40. Sans doute une prise de distance avec Alice, suite à son souhait de m’appeler longuement pour m’expliquer diverses choses, me faire partager sa vision impitoyable de Heïm. Elle n’apparaît pas connectée sur Msn ce soir, peut-être même m’a-t-elle éliminé de ses contacts. Si tel était le cas, je ne relancerai pas. Lassitude de tout cela. Qu’elle continue à être persuadée que je ne suis pas encore en phase avec moi-même, que je reste embourbé dans mes enfers passés…

Ne pas avoir sa radicalité sur ce « vieux fou à enfermer » - selon son souhait lancinant – m’empêcherait toute lucidité ? Et bien j’assume et persiste.
Ces quelques jours de congés à Lyon en (presque) solitaire n’a pas densifié enthousiasme et projets. La quotidienneté s’écoule, en labeur et en loisirs, sans que cela excite mes fibres. Ce profond détachement des choses, et même des êtres, éclaire le quasi désert relationnel en expansion. Je ne cherche pas vraiment à enrayer le mouvement, comme si mon objectif inavoué était de m’ancrer dans une ville où plus aucune attache (sauf ma BB !) ne perdure. Voilà ma nature profonde : le refus de l’autre qui incommode et l’inaptitude à générer un suivi relationnel.
Sans goût pour autrui, comment s’investir davantage pour une vie nourrie de constructions ? Sombre, depuis mon dodo, délaissant l’actualité, je n’ai rien à prouver, juste à assurer le minimum vital financier pour rembourser un prêt immobilier sur vingt ans et permettre le basique vital.

Lundi 12 mai
Dernier jour de cette parenthèse ludique, je débute l’après-midi dans un cocon vert, non loin de la roseraie animée par le chant d’oiseaux aux anges, car dispensés de prédateurs.
L’angle sombre d’hier ne parasite pas les envolées enthousiastes.

Un documentaire de plus sur François Mitterrand conforte mon admiration pour l’homme privé. En outre, le parcours tortueux de Fanfan Mité, comme je le surnommais de son vivant, a tout de même accouché d’un occupant de l’Elysée à la stature d’homme d’Etat : pas rien, rétrospectivement, lorsqu’on jauge la texture présidentielle de ses successeurs. La vraie tromperie vient des médias français qui, en 1994, ont feint de découvrir ce destin clair-obscur alors que Le Crapouillot (« magazine non-conformiste » en vente libre) consacrait dès 1972 une étude fouillée à la vie et aux contradictions du premier secrétaire du P.S.
L’homme a maintenu à tout prix la dignité de son apparence, ne laissant pas les affres de la maladie liquéfier son esprit. Au contraire, dans le drolatique Starko de Karl Zéro, on découvre un Chirac en abandon comportemental, décontraction avec coupe-vent trop large, jean usé, grosse écharpe rouge nouée, petit-chien-à-mémère, pincement des lèvres façon Heaulme et démarche de vieillard égrotant.
La fin de Mitterrand, 9 avenue Frédéric Le Play, n’a pas manqué de grandeur. Son choix de cesser alimentation et traitement, pour ne pas subir une décrépitude des sens et de l’esprit, l’extrême densité avec laquelle il a fait ses adieux à ses proches, ceux des deux familles, d’Assouan à Latche, permettant à chacun d’en retirer l’affection ou l’amour qui lui permette de vivre au mieux sa disparition, tout cela révèle une noblesse d’âme, quelles qu’aient été ses talents carnassiers pour atteindre et conserver le pouvoir. Le pouvoir : passion sur laquelle Madeleine Chapsal l’interroge à l’automne 1995 pour un ouvrage en préparation, autorisée à lui rendre visite dans son dernier logis parisien, et que j’accompagne jusqu’au troisième étage, accueillis par un impressionnant gorille en costume. Elle m’appellera, peu après, pour me délivrer son ressenti mêlé d’admiration et de tristesse pour cet homme dans son ultime et terrible combat. « Je souffre comme un chien… non comme deux chiens ! » confie-t-il à son fils Jean-Christophe. Une dignité gaullienne dans cette rectitude finale.
Seul regret : alors qu’il est au pied de l’immeuble bourgeois, dans la nuit du 2 au 3 janvier 1996, de retour d’une clinique qui a informé son médecin que dans la quinzaine suivante le cancer atteindrait le cervelet entraînant cécité, perte du langage et naufrage intellectuel (« Je sais ce qu’il me reste à faire » est la réponse sans ambiguïté de l’indomptable), il se ravise, referme la portière et demande à son chauffeur Pierre Tourlier de l’entraîner pour une dernière escapade au cœur de la capitale de son adoré pays. Refus du salarié qui argue de l’absence de son médecin Jean-Pierre Tarot. Si l’on peut admettre la réaction du fidèle conducteur de n’avoir pas souhaité endosser une telle responsabilité – et si Mitterrand était décédé pendant cette promenade nocturne imprévue ! – on regrette avec lui, a posteriori, de n’avoir pu offrir au vieil homme, décidé à en finir avec ce corps douloureux, ces derniers instants de liberté pour son regard perçant, pour sa culture infinie, pour tout son être avide de vivre cette parenthèse jouissive. Comprenant le message implicite dans le refus du chauffeur, ne pas prendre un risque inconsidéré, il renonce au dernier divertissement et rejoint son troisième étage dont il ne sortira plus vivant.
Jacques Chirac sera le premier personnage, non lié familialement à Mitterrand, à venir se recueillir sur la dépouille du feu président, un peu plus de six mois après l’avoir raccompagné sur le perron de l’Elysée. L’hommage officiel qu’il lui rendra sur les écrans révèlera qu’au-delà l’adversaire politique il respectait l’homme d’Etat et admirait l’homme privé. Et politiquement, étaient-ils si opposés ? Mitterrand aux origines droitistes ; Chirac, le cœur à gauche… L’antagonisme s’est surtout exacerbé pour la conquête de la présidence de la République. Relativiser les oppositions passées pour honorer les qualités fondamentales, voilà l’intelligent et sensible geste de Chirac.
Rapprocher les destins pour mieux les distinguer, et s’interroger sur ce qui a permis à Mitterrand de réunir ses deux familles autour de son cercueil, alors que d’autres ne parviendront même pas à rassembler leur famille légitime au complet. Là où Mazarine Pingeot délivre des souvenirs affectueux pour son père, d’autres fustigeront les salauderies délinquantes de leur géniteur. 
[Alice incendiera, à juste raison, la pédophile existence de Heïm, prompt à assouvir ses appétits sexuels sans prise en compte de la réelle liberté de conscience des progénitures engendrées ou recueillies. Pitoyable, lamentable échec outre tombe qui se profile pour celui qui encensait la parole de ses enfants contre les mamans alors en ligne de mire. C’est bien par la parole et les écrits de ses ex ouailles, enfin libérés du joug psychologique, physique et financier, que viendra la fustigation définitive du personnage.
Par petits coups de scalpel, le charisme cultivé laisse transparaître les perversions occultées par une dérision conditionnante.]
D’Amstetten aux Ardennes, en dérivant par le plat pays, d’écoeurantes révélations édifient sur le néant paternel de ces enfumeurs de réalité, uniquement déterminés à soulager leurs sordides élans sexuels.

Vendredi 16 mai
Divine surprise pour le modeste salarié que je suis : l’accumulation d’heures effectuées en surplus, par comparaison avec les autres formateurs, me vaut une semaine de liberté. Idéale occasion d’écrire, de publier sur LDP et de poursuivre la saisie et la mise sur Internet du Journal à taire.
Traneing In (?) du virevoltant Coltrane pour improviser sur un sujet.
De la terre au ciel, le deuil de masses asiatiques dépasse nos conceptions de drames plus focalisés. Les crapules d’Etats autoritaires gèrent les offres humanitaires faites par nombre de pays comme de suspectes ingérences. Certes, les potentats chinois maîtrisent bien mieux leur rapport au monde extérieur que l’obtuse et infecte junte militaire : laisser venir à eux tous les petits dollars et euros, ainsi que les matériels proposés, mais éconduire les initiatives humaines.
Au malin cynisme de la sphère dirigeante chinoise, ne répond que la monomaniaque fermeture des oppresseurs. Les peuples, eux, souffrent des deux côtés sans illusion.
La France, elle, hoquette en attendant que les réformes fassent effet et sans cataclysme social. Oui, c’est vrai, le seriné couplet sur le pouvoir d’achat en berne entretient la grogne ambiante, permettant à chacun de reporter ses propres échecs, ses renoncements ou ses incapacités sur le commode portefaix étatique. Ça manifestouille, moui, pour que l’exécutif renonce à ses initiatives, mais sans rien proposer de viable derrière. A moins que la bouille révolutionnaire et anti-capitaliste du Besancenot nous délivre une solution miracle. Allez ! Chiche ! Laissons-lui le Pouvoir cinq ans, rien que pour voir… et avoir la confirmation incarnée de l’inanité de ses slogans simplistes. Son incapacité à former un mouvement qui agrège les composantes de l’extrême gauche peut rendre dubitatif sur ses aptitudes à la gestion déménageante du pays. Qu’il engraisse à son rythme urticant, mais sans jamais déranger les penchants d’une France qui ronchonne.

Lundi 19 mai
Vers 15h. De retour chez Elo, comme au temps où je lui donnais des cours, pour travailler sur son mémoire et prendre de ses nouvelles après qu’elle se soit attrapée un staphylocoque doré. Si la jambe est encore endolorie, l’être est en forme.
Semaine dernière, dans un C dans l’air consacré à la réforme des institutions, notamment au volet parlementaire, parmi les invités experts dans leur domaine, M. Jean Gicquel que j’ai eu en 1988 ou 89 comme professeur de droit constitutionnel. Vingt ans plus tard, le revoir avec le même pétillement dans le regard, les mêmes intonations, la même habitude de manger certaines fins de mots… même s’il semble beaucoup moins à l’aise sur un plateau de télévision qu’à animer un amphi, émotion de le revoir en plein passion argumentative. Parmi quelques souvenirs, celui de m’être fait applaudir par les quelques centaines d’étudiants pour une question donnant lieu à félicitations du professeur : comment expliquer la contradiction entre le principe de non rétroactivité de la loi (inscrit dans la DDHC) et l’intégration d’une rétroactivité pour les crimes contre l’humanité.
Eloignement d’avec Alice qui, une nouvelle fois, s’est fendue d’un absurde commentaire sur mon article Mener, Guerroyer, Mourir 
dans lequel elle n’a rien perçu de l’allusif qui lui donnait raison.
Autre piste critique : j’aurais voulu, ô condamnable démarche, replonger dans le passé ! Ça c’est de la critique gros calibre… Quel est donc cet esprit malade qui trouve déplacé, incompréhensible, l’évocation d’une parcelle de notre histoire politique ? Est-ce sa haine du père spécialisé dans l’exhumation du passé qui explique cette dérive ?
Finalement, sa pirouette finale, c’est de trancher sur l’absence de talent dans mes écrits. Voilà une sentence de choix qui contredit son propre commentaire sous un autre de mes articles, lequel versait dans l’apologie de ses qualités littéraires. Dérisoire hypocrisie. Notre intolérance réciproque doit nous contraindre à ne pas nous contacter pendant un temps indéterminé.

Mercredi 21 mai
Le relationnel avec Alice s’est dégradé davantage : pour être convaincue de ne pas être la seule à rejeter mes écrits, elle s’est aventurée sur le site de citoyens reporters, AgoraVox, qu’elle a pris pour un autre de mes blogs, laissant quelques commentaires ironiques accompagnés de déplacés « Bisous Lo ! ». La teneur personnelle de ses remarques, à mille lieues de ce qu’on attend sur le site (de l’argumentation étayée sur les articles) m’a mis en rage.
Dans l’une de mes réponses, j’ai souligné que « lorsqu’on partage si peu de choses, on ne tutoie pas ». Effet inverse, elle déballe le contexte avec son prisme déformant : notre filiation (sans préciser non sanguine), le fait de m’avoir retrouvé par le biais de mon blog principal, le peu d’enclin pour ma façon de penser et d’écrire… Et l’insulte suprême pour elle : « le Heïm nouveau est arrivé, berk !!! » 
n’ayant rien perçu des allusions sévères contre Heïm qui conclut mon article sur Mitterrand. Sur ce, je l’ai virée de mon fichier d’adresses pour informer de mes parutions sur la toile et j’ai bloqué son adresse Msn.
Grave contradiction dans sa démarche : elle s’érige moralisatrice sur mon peu d’enclin pour l’humanité, et prétend que je veux imposer mes vues sans admettre la critique. Qu’elle argumente sur les propos de mon article, et je participerais volontiers au débat créé (comme je le fais avec mes plus virulents opposants sur AgoraVox), mais qu’elle cesse, comme Heïm le faisait - et elle prétend s'en distinguer - de s’ingérer dans mes choix existentiels et de s’ingénier à m’éclairer sur ce qu’est un VRAI écrivain. Sotte attitude. Finalement, après Hermione, une nouvelle mise à distance salutaire pour cause d’incompatibilité fondamentale. Peut-être, sur nos vieux jours, lorsque nous n’aurons plus rien à prouver à l’autre, mais que seule comptera l’affection préservée, nous pourrons nous retrouver, avant que la Camarde ne fauche tout ce monde tourmenté.

Vendredi 23 mai
Le « fais ce qu’il te plaît » du mois s’applique parfaitement à mon emploi du temps. Après le bénéfice de deux ponts, dont un de cinq jours, une semaine de récupération pour le trop d’heures effectuées les mois précédents, les trois semaines à venir n’auront rien du planning d’un forçat. A goûter pleinement, donc, ce que je fais à la tête d’Or, au calme, face à une étendue verte occupée par quelques daims.

Quel paradoxe : Alice a critiqué mes invectives littéraires et, en l’espèce, mon hommage à Mitterrand, justement dans l’écrit qui attaquait implicitement, mais férocement, le géniteur qu’elle exècre tant. Pas de perception des initiales utilisées dans le titre et le rappel par les trois verbes finaux. Rien compris de mon allusion à la Picardie comme autre « plat pays » qui accueille le vieux monsieur. Aucune envie de lui dévoiler la lecture bien plus personnelle de cet écrit au thème public.

Après l’explosion du prix d’un baril de pétrole, les professions grosses consommatrices de carburant grognent et réclament à l’Etat. Les concurrences à quémander, à faire pression par le blocage…

Mardi 27 mai
Appris hier que le formateur HG, le plus anciennement dans la structure, mettra fin à sa collaboration le 13 juin prochain. Il a trouvé une nouvelle voie plus proche de chez lui, et plus en rapport avec le monde adulte de l’emploi.
Petit choc, tout de même, de voir partir celui qui intervenait sur les mêmes matières que moi. L’entente était complète : j’ai répondu à son mail d’invitation pour un repas de départ, le 11 juin. J’espère que ça n’est pas le premier d’une série. Pour ma part, la proximité géographique m’incline à poursuivre cette activité aux perspectives d'évolution quasi nulles, malheureusement. Nous verrons la tournure des choses lors de la vraie rentrée de septembre-octobre.
Autre nouvelle : maman a rencontré Alice hier pour un repas édifiant en révélations. Pas de détails dans son mail, mais la confirmation de l’horreur, du sordide, de la manipulation.Ce jour, par le biais de Facebook, Alice m’a demandé d’être son ami. J’ai accepté, mais je ne l’ai pas enregistrée sur Msn.
Impression d’une phase transitoire, dans pleins de domaines.
La réforme des institutions capte un peu de temps médiatique, réduisant, à ma plus grande satisfaction, le traitement du barbant pouvoir d’achat du consommateur français.
Après Jean Gicquel, invité la semaine dernière, Yves Calvi fait appel au constitutionnaliste Guy Carcassonne pour débattre dans l’émission du jour. On le sent bien plus à l’aise sur le plateau que son brillant confrère de la Sorbonne, et il démontre, notamment, l’inanité du vocable d’hyperprésident accolé à Nicolas Sarkozy. Sa comparaison entre les pouvoirs effectifs détenus par un G. Pompidou et ceux qui restent au chef de l’Etat actuel, fait largement pencher la balance vers le premier : très peu de décentralisation, une CEE encore timide, une mondialisation embryonnaire, aucune AAI (Autorité administrative indépendante), un secteur public étendu à de grandes structures financières, etc.
Christophe Barbier, autre invité de Calvi, aura beau tenter de sauver cette appellation par un raisonnement un peu spécieux, les références précises du professeur ont eu raison du néologisme de journalistes brouillons et approximatifs par trop d’empressement.
Guy Carcassonne a d’ailleurs souligné le rôle fondamental des médias qui semblent le négliger gravement ces dernières années : vérifier, par l’investigation, les conditions d’application et les conséquences des multiples réformes annoncées à grand renfort de clairon.
Ce soir, le jury populaire du procès Fourniret devait délibérer pour, sans doute, suivre les réquisitions du procureur de la République marquées par l’ignominie des faits et des êtres. « A gerber, Fourniret. A gerber, Olivier » conclue-t-il sa stigmatisation de l’inhumanité des criminels pervers. A 23h27, j’allume France Info pour vérifier si la sentence n’est pas déjà rendue… il ne semble pas encore.
Toujours un petit tour par le Journal du monde présenté par l’accrocheur Vincent Hervouët. Un ton toujours singulier dans un PAF de l’information majoritairement convenu.

Jeudi 29 mai
Le sujet est complexe, objet d’études contradictoires ou complémentaires, mais les parallèles qu’il permet peuvent s’avérer savoureux ou sordides selon la disposition d’esprit.
Alors que des émeutes de la faim catalysent les plus pauvres contrées, et qu’une des causes de la flambée des prix serait la part croissante de la production agricole consacrée à nourrir… les moteurs, la meute des corporatismes, via les pays riches, cherche à obtenir tous les soutiens financiers pour prolonger les activités grosses consommatrices de carburant.

Les meutes sans fin

« Faire son plein ! » En voilà un bel étendard de société de consommation… Siphonner jusqu’au fond la cuve pour remplir son réservoir : le dodu peut alors traîner sa carcasse roulante où l’envie l’exige, sans entrave, sauf celle de trouver les voies à sa convenance. La libre circulation : fondamental pour le sédentaire bipède, pour l’instant encore blanc et occidental en majorité.
Fini l’âge d’or de l’insouciante tétée aux tétines de l’opep ! L’émergence des uns contraint le désir des autres… La complexité du phénomène tient en quelques expressions-clefs qui verrouillent toute perspective de baisse des prix du pétrole : demande exponentielle, maîtrise stratégique de l’offre, incertitudes sur les réserves disponibles, spéculation financière. La tambouille écoeure et certains rapprochements révoltent.
Là-bas, des émeutes de la faim catalysent de pauvres contrées : prix insupportables de denrées alimentaires. Une des causes : la part croissante de productions agricoles consacrées à nourrir… des moteurs ! Les adeptes de la Deep Ecology doivent se réjouir : poursuivre ce programme pourrait, en concomitance, limiter la pollution et alléger la planète de quelques millions d’âmes humaines, les vilaines !
Ici, les meutes corporatistes sont prêtes à la surenchère violente pour obtenir les perfusions financières nécessaires à leur survie. Certaines professions souffrent des coups de massue énergétiques. On peut même s’émouvoir de quelques tragiques destins ; mais le politique ne doit pas satisfaire systématiquement les demandes d’aides, d’allègements, de réductions et autres compensations sous peine d’un fatal appel d’air de revendications en cascade.
A toujours tout attendre d’un Etat qui ne devrait avoir comme marge financière que l’apport de la collectivité, on dévoie la liberté d’entreprendre, par définition porteuse de risques. Si tout professionnel au bord de la faillite, quelle que soit la cause, exigeait comme les pêcheurs, les agriculteurs, les transporteurs (de biens et de personnes) que le gouvernement alignât les biffetons, le risque d’implosion du système se préciserait.
A défaut de générosité étatique, certains iraient bien s’emparer des colossaux bénéfices de Total, passant outre les quelques dizaines de milliers de salariés de la multinationale française, les nécessités d’investissements pour assurer l’avenir de l’activité et la fragilisation d’un fleuron de l’économie nationale face aux mastodontes concurrents dans son secteur. La naïveté révolutionnaire, s’arroger l’argent des possédants et tout ira mieux, laisse songeur sur le peu de leçons tirées de l’application d’idéologies spoliatrices.
Les grognes n’en ont donc pas fini de se succéder, voire de se cumuler. Les prix de l’or visqueux sont peut-être le reflet d’un marché « complètement fou » comme le qualifie le secrétaire général de l’OPEP. Pourtant, l’AIE constate : les quatre cents plus gros champs pétroliers – quelle bucolique métaphore, on y gambaderait pieds nus ! – se vident plus rapidement qu’escompté. Cela ne peut qu’amplifier la flambée des prix. Quatre cents milliards de barils : réserves actuelles disponibles des huit pays plus gros producteurs. Quatre-vingt sept millions de barils : production quotidienne en 2008. Le rapport à faire entre ces deux données ne calmera pas les gloutons en carburant, sauf à se résigner à trouver d’autres ressources ou d’autres modes de fonctionnement.
Encore une fois, la France seule n’a pas grand pouvoir pour résoudre cette crise, sauf à créer l’hémorragie de ses déficits publics. C’est à l’Union européenne d’explorer les solutions : règles protectionnistes, réorganisation des secteurs sinistrés, achats groupés de gazole permettant d’abaisser les prix, etc.
Point positif, tout de même : on n’entend plus les billevesées nostalgiques des eurosceptiques. La tronche de nos agriculteurs et de nos marins pêcheurs si le bon vieux franc avait dû endurer l’envolée des cours du pétrole ! Chaque citoyen européen, dont la monnaie nationale ne présentait pas de gages probants de solidité – plongez dans vos souvenirs, demandez à vos aînés ! – peut louer l’euro à chaque fois qu’il passe à la pompe et remercier l’apparente rigidité de Jean-Claude Trichet. On changera un peu l’air éculé : « C’est la faute à l’euro, si j’suis dans le ruisseau ! La garce européenne m’a laissé seul en peine ! »
Que tous ceux qui décèlent partout et en tout des hausses de prix intolérables (certainement dans les utiles équipements technologiques !), atteintes au fameux et hideux pouvoir d’achat mis en berne par les médias, réfléchissent un petit moment sur ce qui constitue leur consommation. N’est-ce pas plutôt un rééquilibrage des valeurs vers le fondamental ?
A trop présenter l’acte d’achat comme l’exercice d’une puissance souveraine et individuelle, on avait peut-être oublié que se nourrir, se loger, se chauffer et se déplacer n’avaient pas la part réelle dans notre budget : le développement des autres, et notamment des lointains Asiatiques, avant que ce ne soit le tour, espérons-le, de l’Afrique, nous le rappelle cruellement.
A quand la grève des vacanciers se rebellant contre un carburant au coût prohibitif qui freinera leurs pérégrinations ?