Juillet

Jeudi 3 juillet
Viva la Vida, Ingrid !

Hier soir, vers 21h30, sur Internet, la page d’accueil d’Orange se pare d’un titre inattendu : Ingrid Betancourt libérée ! Je vais vérifier sur Google actualité : aucun article sur le sujet. Rumeur de mauvais goût, me dis-je, sans songer que la fraîcheur de l’information n’avait pu laisser le temps de développer ce fait majeur.
Ce n’est que ce matin, par la Matinale de France Inter, que j’apprends la réalité de cette formidable nouvelle. Sa voix claire, affectueuse, d’une douceur maternelle conforte mon enclin pour cette femme. Une Résistante à la Jeanne d’Arc-Moulin, dans une éblouissante synthèse, indéfectible, sure de la noblesse de son engagement, imperméable au cloaque des FARC.
Finalement, l’audacieuse opération du président Uribe, l’inflexible critiqué y compris par la famille Betancourt, est à l’aune du caractère d’Ingrid l’indomptable.
Le terre-à-terre et le prosaïque reprendront vite le pas sur l’événement, mais profitons de cette parenthèse pour, sur le dernier air de Coldplay, s’enchanter de cet instant, en espérant qu’il accouchera de multiples semblables pour tous ceux qui restent sous l’emprise du déliquescent mouvement.
Quarante ans de féroces combats pour une cause diluée dans la criminalité, les FARC s’éteindront après avoir gâché, ruiné, anéanti nombre de vies, car, derrière la flamboyante Ingrid Betancourt croupissent encore des centaines d’anonymes au nom d’une idéologie dénaturée au remugle crapuleux. Après l’enthousiasme jubilatoire devra s’imposer la justice expiatoire, même si les deux premières têtes de la clique tentaculaire ont connu la sentence immédiate de l’éradication militaire.
Couronnement pour la courageuse libérée si elle accédait à la présidence colombienne, peut-être en se présentant contre son libérateur…
Attendons-la, pour l’instant, dans cette France qu’elle chérit tant, pour quelques moments d’émotion dans les grands médias, comme une icône de l’insoumission à l’arbitraire, affective sans fard pour tous ceux qui l’ont soutenue.
A vous, Madame Betancourt, avec toute mon admiration !



Dimanche 6 juillet

Pschitt Comique.com !

PCC, point le parti communiste chinois, mais le site de « rencontres par affinités culturelles » Pointscommuns.com dont les méthodes pourraient, si ses dirigeants possédaient un quelconque pouvoir, présenter quelque filiation avec l’arbitraire groupement rouge.
Je découvre hier un courriel ahurissant de leur part me sommant de « retirer » un commentaire jugé désobligeant qui aurait eu pour fâcheuse conséquence de les « faire apparaître dans Google sous le texte arnaques et animation sur les sites de rencontres ». Quel pouvoir de nuisance j’aurais !
« L’équipe de pointscommuns », qui signe le diktat, soit dispose de délateurs disséminés sur la toile, soit furète, conduite par une inextinguible paranoïa, en quête des quelques lignes critiques à leur encontre qui subsisteraient. Quelle que soit l’hypothèse retenue, l’action menée s’avère loin de la réactivité nécessaire à une efficace purge tout en s’affichant ridiculement disproportionné dans le contenu de la réaction.
L’objet de leur ire ? Quatre lignes parues le 3 décembre 2007 sous un article publié sur le site AgoraVox. Leur si diffamant contenu ? Des faits : « j’ai participé un chouïa à l’aventure Pointscommuns.com ». Je reste bien sûr modeste dans mon apport à ce site, n’ayant fait qu’un apport gracieux d’une petite centaine de textes ayant généré quelques centaines de commentaires et ayant été lus par quelques milliers de personnes. Cela reste, j’en conviens aisément, une goutte d’eau à l’échelle du site, voilà qui justifiait la précision familière du « chouïa » pour cette implication.
Cela, visiblement, ne leur suffit pas. A leurs yeux, je ne suis qu’un indigne profiteur qui a « utilisé » leurs services sans payer et dans la seule perspective de me « mettre en valeur ». Les PCCistes apprécieront la condescendance de la fine équipe.
Ce qui constituait l’objet même du site et qui en faisait « un concept intéressant et gratuit » comme je le saluais dans le commentaire incriminé, cachait donc un véritable mépris envers ceux qui décidaient de ne pas faire qu’utiliser leurs services mais, en contrepartie, de nourrir le site de textes. Mon obsession, comme celle, sans doute, des autres PCCistes qui se risqueraient à une toute petite égratignure de la sainte équipe, tiendrait dans l’unique satisfaction d’abuser de PCC pour servir un illégitime désir de gloriole. Voilà ce que le filigrane de ce grotesque rappel à l’ordre révèle.
Ce crime de lèse-PCC, c’est quoi ? Le constat que le succès du site a amené ses concepteurs à faire payer non seulement les simples visiteurs en quête de rencontres, mais aussi les auteurs qui, quoi qu’en pense l’anonyme équipe, ont contribué à la vie de Pointscommuns.com. Imaginez la tronche du site sans aucun texte : elle serait belle la coquille vide laissant divaguer les visiteurs au gré du vide sidéral d’un site formidablement géré !
Mon constat se poursuit : les auteurs peuvent continuer à pondre pour faire grossir l’avide PCC, mais ne peuvent plus répondre aux courriels reçus (sauf pour les expéditeurs disposant de l’abonnement Premium !) ni entrer en contact privé avec qui que ce soit. Là je développe, en rajoute quelques couches pour bien signifier mon indignation face à l’ultimatum de l’aventureuse équipe : dans mon commentaire initial cela tenait en une inoffensive phrase.
Ce n’est pas mes lignes, bien sûr, qui ont déclenché le courroux des censeurs, mais l’effet googlien produit et ça, je n’en suis pas responsable. La facilité est de s’en prendre à l’obscur rédacteur qu’on va sèchement moucher par une petite leçon bien sentie avec sanction à la clef : la censure d’un texte d’hommage à Ingrid Betancourt (vous me direz, les dizaines de milliers d’autres compenseront !) qui m’aurait permis une fois de plus, l’infâme, de bénéficier du fantastique piédestal de Pschitt Comique.com.
Que l’équipe PCC se rassure : je ne les encombrerai plus de ma vilaine prose…

Mardi 8 juillet
Première des trois nuits au gîte perdu dans un hameau loué par maman et Jean. Une partie de la soirée sur mon différend avec Alice.

Les atrocités de Heïm se sont cumulées au fil des ans, au point que nous évoquions l’hypothèse d’un cadavre laissé au Limeray avec la disparition d’une certaine Béatrice D. Fantasme ou sinistre vérité cachée ? Me reviennent certaines déclarations de Heïm, lors de soirées avinées, faisant allusion à un possible acte meurtrier comme l’initiatique capacité à aller au bout du rapport à l’être humain.

Mercredi 9 juillet
Parvenus à l’unique plage aménagée du Salagou. Maman vient de me joindre : clou planté dans le pied sur le chantier de la maison ; destination les urgences de Pézenas pour une piqûre antitétanique.
Découverte de cet espace ludique, plage de pierres à l’herbe inégalement présente. Une colonie d’une trentaine de mômes et de préados vient d’accélérer le peuplement des lieux.

« L’homme qui forniquait les enfants » : voilà ce qui pourrait résumer la facette criminelle de Heïm. Que je ne renie pas mon passé ne m’interdit pas l’écoute de témoignages dont on ne voit pas l’intérêt du caractère mensonger, puisqu’ils s’abstiennent de toute stratégie judiciaire.
Il me faudra répondre ici, pour la trace nécessaire, au dernier courriel d’Alice. Avant cela, la part d’enfer vécue par l’entourage juvénile de Heïm se doit d’être consignée pour développements ultérieurs.
Béatrice, la plus âgée des enfants, très vite objet sexuel du pédophile enclin à assouvir ses fantasmes scatologiques avec elle. Réduit à l’état de boniche du château d’O, elle n’a pu bénéficier d’aucune scolarité et n’a pu espérer, une fois virée du vase clos, qu’un boulot de ménages pour survivre, vaille que vaille, encore terrorisée, à plus de quarante ans, par ce passé entre esclavage sexuel et domestique. Sa mère Maddy s’est rapprochée d’elle, hantée par la faute majeure d’avoir laissé sa fille en pâture à cet ogre de chairs fraîches.
Alice, la fille aînée de Heïm, baisée contre sa volonté – ce qui la fera passer, dans un message lancinant du violeur, comme une jeune fille frigide ! Elle aussi a été dissuadée, sous couvert d’un choix apparent laissé, de se lancer dans des études de droit. Son niveau d’expression écrite, évalué des années plus tard à celui d’un enfant de quatrième, pèsera le reste de son existence comme un douloureux handicap. Certes, elle aurait pu tenter de résister à la pression de son géniteur, voyant Hubert et moi entreprendre ces études, mais le contexte ne lui a pas permis cet affranchissement. Reconnaître son incontestable souffrance, ce n’est pas accepter d’elle toutes les critiques.
Que Heïm ait monté ses proches les uns contre les autres me semble aujourd’hui une évidence. La plus scabreuse illustration en est la tentative de tenir son futur magistrat de fils en le convainquant, un soir de plus d’alcoolisation totale, d’aller fourrer sa grande sœur. Hubert n’exaucera pas le vœu pernicieux de son salaud de père, s’effondrant dans les bras accueillants de la soeurette. L’échec du projet n’empêchera pas Heïm de déclarer à maintes reprises, notamment après le départ fracassant d’Alice, que le nouvellement nommé substitut du procureur a commis l’irréparable, le « viol de sa sœur ». Venant de celui qui n’a quasiment laissé aucun de ses enfants de sang ou confiés indemnes, cela pourrait apparaître comme cocasse si le sujet ne rendait la chose ignoble et l’individu sinistre.
L’enfant Hubert a lui aussi subi le pire du crado sexuel à Pontlevoy, obligé de participer aux ébats entre sa mère Maryvonne L. (aujourd’hui artiste peintre aux Etats-Unis) et l’initiateur Heïm qui poussera le vice jusqu’à faire du déjà illicite trio un quatuor zoophile avec le chien ! L’abbaye de Pontlevoy servant de cadre aux déviances dégénérées : le tableau écoeure…
Karl, cher ami Karl dont je n’ai plus de nouvelles, aurait lui aussi été fourni par sa mère à la sexualité gargantuesque de Heïm. Jamais il ne s’est confié à moi, comme jamais je ne me suis épanché à lui sur ce sujet.
Pourquoi serait affabulation pour les autres ce qui, pour moi, est une vérité : non point que Heïm m’ait violé au sens strict du mot, mais une fellation réciproque couronna, alors que je n’avais pas encore douze ans, une particulière initiation au sexe avec visionnage préalable de petites séquences filmées avec quelques-unes de celles que je dénommais, par le cœur, mes mamans. Comme dirait Ardisson, « sucer est-ce tromper ? » et se faire sucer par un préado est-ce violer ? Voilà qui est inscrit, à trente-huit ans, rompant la chape de plomb que Heïm avait évidemment réclamé sur ce sujet… Dix ans tout juste après la prescription de ses crimes.

Jeudi 10 juillet
Ma maman s’en tire avec un petit bandage sur une partie du pied et une claudication variable. Ma BB lui a fait, hier soir, les piqûres nécessaires.
Ce matin, retour sur les terres ocres du Salagou après un détour par Bédarieux. La signalisation des directions est la faiblesse du coin : des circuits circulaires au cœur de la localité avant de parvenir à s’échapper du cirque urbain.
De retour sur cette petite plage à 11h15, maman m’informe (le message antérieur m’est signalé après que j’ai raccroché) que Paul, Liliane et Elisa, la fille de Nathalie, arrivent pour déjeuner à 13h. Séjour raccourci pour le bronzage…

Suite de la mise au jour des abus de Heïm remise à plus tard.

Vendredi 11 juillet
Long périple routier à subir : Vernazoubres-Le Cellier. La plus courte des trois étapes s’achève avec un brouillard épais sur la montagne d’en face. Nous ne croiserons malheureusement pas Jim et Aurélia : arrivée prévue pour samedi soir ; quelques jours dans l’Hérault.

Revenir un peu, avant le départ avec ma BB, aux terribles conséquences engendrées par les impardonnables exigences et pernicieuses suggestions de Heïm.
L’infect exploit du vieux est d’avoir obtenu la séparation de fait entre ceux qui l’entouraient, chacun ayant un type de ressentiment à son égard inconciliable avec ceux des autres. Mes brèves retrouvailles avec Hermione, puis Alice, interrompues à la première bisbille venue, le démontrent avec force. A chaque fois, une approche de la vie et des jugements incompatibles. L’affectif amplifie l’outrance : inexorable point de rupture. Ainsi, chacun dans son coin, Heïm peut finir tranquillement son existence, sans menace judiciaire qui le ravalerait à la minable série des criminels sexuels.
Alors à moi, sans concession, de rapporter, de témoigner sur ce qui peut éclairer la vérité d’être de Heïm, sans nier ses apports, ses talents, mais à des univers des panégyriques à la Richard, un de ceux qui ont laissé leur enfant en gage charnel de leur allégeance. 

Samedi 12 juillet
Vers 14h. BB et moi allons rejoindre St Denis la Chevasse pour deux jours de festoiements avec les anniversaires d’Annette et de François.

Dimanche 13 juillet
9h50. La (re)découverte du Journal de Léon Bloy et de sa première étape, Le mendiant ingrat, me laisse un sentiment ambivalent 
à rapprocher de celui que j’ai à l’égard de Heïm qui me la fait connaître.
Sa religiosité extrême, transpirante, m’éloigne de ses réflexions ; sa si peu catholique façon d’envoyer au diable ses affections, amitiés et accointances, sitôt obtenu tout le soutien financier qu’il pouvait en espérer, me gêne. Tracé de génie dans le style, fulgurances apocalyptiques, mais sangsue repoussante dans la vie. La tonalité larmoyante, sous enrobage stylistique, de courriers pour amollir la proie à pressurer, peut être vite suivie, en cas de déception avancée ou de refus persévérant, d’une cinglante réaction. Versatile opportuniste Bloy ? Pas loin de le penser… La pauvreté affichée (qui ne l’empêche pas d’avoir une bonne !) n’excuse pas tout. Ce manège, Bloy qui louvoie puis Bloy qui grogne en fonction de ce qu’il peut retirer ou de ce qu’il estime devoir évacuer de son champ de conscience, m’évoque la caricature humaine qu’a si lumineusement campée de Funès… On roucoule devant les forts et on aboie sur les faibles. Plus vicieux chez Bloy, et peu comique de surcroît : sérénade onctueuse pour celui qui peut vous nourrir ; rage expectorante contre celui qui ne verse plus ou ne versera pas.
Heïm le maudit a su jouer des circonstances, monter les uns contre les autres, faire régner une terreur sourde pour mieux contrôler son petit monde et assouvir ses appétits charnels. Je ne nie rien des apports intellectuels, d’un sens de la dérision, d’une plume sans pareille… mais je m’affranchis de tout refoulement, de toute dissimulation, de tout silence en forme d’oubli.
Merveilleuse, l’enfance châtelaine ? Le cadre oui. Pour le reste, les contrastes s’imposent. Pour une promenade partagée avec les enfants sur les chemins alentour on peut soustraire une dizaine de repas d’engueulades dans la salle à manger du château d’O. Les interminables monologues de Heïm, selon la conjoncture mesnique, se concentraient contre l’unique mis au pilori – les autres obligés d’écouter le flot ordurier, assassin – ou balayaient la tablée réglant leur compte aux présents, mais aussi, plus férocement encore, aux absents.

23h51. L’année 1892 de Bloy achevée. Brefs échos d’une très limitée effervescence lors de la parution du Salut par les juifs. La version expurgée par l’auteur lui-même limite le diarisme, donnant la part belle à la correspondance. Une bien plus elliptique approche que celle de Léautaud qui cultivait l’authentique et l’exhaustif compte rendu. Bloy met en scène ses fulgurances littéraires ; Léautaud laisse la scène à l’improvisation naturelle.
Pour Heïm, point de Journal tenu : que pourrait-il aborder sans révéler l’extrême falsification de son rapport à l’autre, tout entier dévolu à l’exploitation qui peut en être tirée.
Qu’aurait provoqué mon refus, en 1991, de prendre la responsabilité juridique de la SERU et du reste ? Une mise à l’écart certaine et toutes les humiliations attenantes. Connaissant mon peu d’enclin pour le modèle social classique, il me tenait immanquablement.
Je ne souhaite pas un instant atténuer ma responsabilité, mais je ne veux pas occulter l’amont de ma décision et ses révélatrices coulisses.
Qu’il puisse me croire encore aujourd’hui un tantinet bienveillant à son égard me ravit : enfin il a droit à sa dose de double langage, de manipulation et de désillusion sur l’autre. Si j’apprends que la Camarde est sur le point de le faucher, je lui révélerai les parts manquantes, pour que le choc le désarçonne…

Lundi 14 juillet
Pique-nique rupestre avec la famille B dans une forêt domaniale non loin de St Denis la Chevasse.
Quiétude dans ces moments pour mieux fouiller le passé. Une relecture de mon témoignage du Journal à oeillères, notamment des années 91-95, laisse apparaître un naïf, mais sincère, engagement pour mener au mieux les activités et une pressurisation déséquilibrante des finances pour subvenir aux besoins de la vie châtelaine sur l’impulsion implacable de Heïm. Cette activité a permis de payer cash la moitié du château d’Au : principal bénéfice de la dévotion de proches encore confiants dans les plans du directeur des collections. A nous les ennuis juridiques, à lui la garde sacrée du stock et de l’idée. Chez les autres, les irrégularités devenaient des crapuleries malhonnêtes ; chez lui cela s’érigeait comme légitime combat contre l’Etat républicain prévaricateur. Vieux comme le vice humain : orienter la conscience des ouailles pour ennoblir et justifier le pire.
Cette descente en règle du système heïmien, ruminée depuis une dizaine d’années (le fait déclencheur conscient en a été la trahison de sa parole dans l’optique mirifique de fiançailles programmées avec Sandre : là le visage exploiteur, centré sur son seul bien être quitte à désespérer ceux qu’il avait encensés, m’est pleinement apparu) n’empêchera pas ma réponse affective au dernier courriel d’Alice. Contre balancer ici, dans la mesure, est un devoir pour la dignité respective.

[Je continuerai à passer te lire en fonction de mon temps disponible et dans l’espoir que, les années passants, ta personnalité évolue.]
Voilà d’emblée ce qui me gêne dans sa façon d’aborder ceux qu’elle affirme aimer. Quand nous avons repris contact, et avant qu’elle n’adopte l’attaque ad hominem, je n’ai jamais remis en cause sa propre façon d’être, son humour et son esprit de dérision qui m’évoquaient, bien plus souvent qu’elle ne doit l’imaginer, ceux de son géniteur. Pourquoi exige-t-elle des autres ce qu’elle n’a pas atteint elle-même ? Qu’elle n’attende donc pas de mutation de mon caractère pour répondre à ses obscurs critères… Ce type d’exigence me rappelle celle de Heïm sur le type de jeune femme qu’il exigeait pour moi. Aimer les gens pour ce qu’ils sont et pour leurs propres choix est le premier des respects.
Ai-je moi, à un seul moment depuis nos retrouvailles, critiqué sa façon de vivre, ses choix sentimentaux ? Non, jamais ! Alors débattons, échangeons, argumentons, mais laissons en paix les personnalités de chacun.

[(…) en effet je n’interviendrai plus, pas parce que tu me l’as demandé, mais parce qu’il ne sert à rien d’être complice de ce que je vois et lis si je ne peux le dénoncer et en apporter la preuve.]
Encore les gros mots. Je serais une sorte de collabo dont la seule lecture salirait la pure Alice. Tout est donc affaire de témoignages, de preuves, de confrontations de nos vécus.
Encore une fois, je ne remets nullement en cause les horreurs subies par l’entourage affectif de Heïm, et les pages récentes de ce Journal en sont le gage, mais il faudrait que ce respect soit réciproque. Alice et ces « autres personnes » qu’elle aime ne peuvent exiger qu’on pense tout exactement comme elles, comme des clones intellectuels : non seulement parce que c’est une absurdité en soi, mais aussi parce que cela constituerait exactement l’une des dérives qu’elles ont reprochées au système Heïm.
Voilà encore une façon d’aborder l’autre que je ne peux admettre : combien de fois Alice, à la lecture d’un de mes articles, n’a pas jugé bon de me répondre sur le fond du sujet (par exemple mon article sur Mitterrand dont elle n’a pas perçu les attaques en filigrane contre Heïm) mais s’est placée sur le plan personnel pour tenter de modeler ma façon d’être, de me présenter et d’aborder le monde à l’image de ce qu’elle espérait. N’est-ce pas exactement ce qu’elle reproche à Heïm d’avoir fait ?

[Quand je t’ai eu au téléphone, tu m’as présenté tes excuses de m’avoir menacé sous l’emprise de Heïm. Cela n’était pas utile car tu n’étais pas responsable.]
Ah la responsabilité ! Là encore tu sous-estimes ceux que tu dis aimer et surestimes l’influence de Heïm.
Je ne peux nier ma rancoeur d’alors lorsque Alice s’en est allée avec Leborgne me laissant seul assumer les ruines en séries. A 25 ans, je me sentais parfaitement responsable de mes choix, de mes adhésions. Mes excuses portaient donc bien sur ce que je m’estimais responsable dans ce contexte tendu.
Dois-je croire, moi, qu’Alice n’était, elle, pas responsable de ce qu’elle m’a déclaré lors de cette entrevue et que j’ai rapporté à brut dans ces pages ? Là Heïm était absent. C’était une déclaration pour le moins scabreuse d’une sœur à un frère estimé comme tel, face à face sans autre témoin. Remettrait-elle en cause ma parole sur ce fait ? Si oui, cela jetterait de facto un doute sur tout ce qu’elle a pu me raconter.

[J’espère que la prochaine fois que tu me croiseras, si ça se fait un jour, là tu les feras (des excuses) pour ton comportement du moment où là tu as une part de responsabilité et où tu te comportes d’une manière odieuse et irrespectueuse (pas face à ta sœur mais face à l’être humain que je suis et en fonction de l’enfer que nous avons vécu, même si nous n’avons pas vécu les mêmes choses. Tu ne peux juger ma souffrance et celle de ceux qui se sont confiés à moi. J’estime que cela mérite un minimum de respect et de délicatesse, c’est ma façon de vivre et de penser.]
Jamais je ne présenterai la moindre excuse pour quelque chose que je n’ai pas fait. J’ai répondu à tes attaques personnelles, oui ! Jamais je n’ai jugé tes souffrances, ta façon de vivre et tes opinions… tant que ces dernières ne m’attaquent pas dans mon intégrité. Avec ce genre d’attente, nous ne sommes effectivement pas près de reprendre contact. Un beau gâchis de plus !

[Oui c’est moi qui ai pris contact avec toi (…). Mais nos relations ont mal tourné au moment où tu as insisté pour que je te lise et te donne mon avis.]
L’erreur, je l’admets, est d’avoir pensé que te demander ton avis sur mes écrits favoriserait un échange sur le fond des articles et pas sur ce que tu décelais d’infâme dans ma personnalité. Si mon objectif était de m’imaginer « Dieu le père », je n’irais pas proposer mes articles à des sites où je cumule les adversaires idéologiques. Je resterais, au contraire, bien sagement sur mon blog en éliminant tout commentaire critique !
En revanche, lorsqu’on me critique comme personne, ainsi que tu l’as fait, oui je m’estime en droit de répondre, même brusquement. On peut donc se renvoyer à l’infini les reproches… perte de temps et d’énergie. L’incompatibilité s’impose.

[(…) ta position actuelle et ta façon de me répondre ne peuvent que me révolter car ce n’est pas ce qui a été vécu. Va dans les tribunaux, ouvre les dossiers, écoute, s’ils veulent bien te parler, les acteurs de cette époque.]
Que j’ouvre les dossiers, que j’aille devant les tribunaux : voilà bien ce que j’ai fait des années durant. Je ne remets pas en cause sa vérité vécue, mais je n’admets pas cette volonté de me mettre en coupe réglée, niant ma propre perception des choses. Finalement, Alice me reproche ce qu’elle met elle-même en œuvre.

[(…) je me retrouve avec toi dans la même position que lorsque j’ai fui le château. Devant un personnage qui vit dans son monde et son univers et qui ne vois pas que tous sont moqueurs ou indignés dans son dos. Je t’assure, et sans méchanceté, que tu es très mal perçu et que ça nuit à l’homme charmant que, j’espère, tu es au fond.]
Voilà une révélation : d’aucuns se moqueraient de moi, seraient irrités par mes écrits ? Auprès de qui a-t-elle recueilli ces témoignages ? De la flopée d’extrêmes gauchistes qui peuplent AgoraVox et qui ne sont que de sombres inconnus incognito sur ce site ? Ce serait alors terrible qu’Alice ait accordé la moindre importance à ces gens dont certains usent leur temps à insulter les autres sitôt qu’ils ne répondent pas à leurs critères idéologiques. Aller sur un site d’ennemis déclarés pour généraliser sur ce qu’on pense de moi, c’est pour le moins une erreur de diagnostic.
Qu’elle interroge un peu d’autres personnes, qui m’apportent leur soutien, leurs encouragements, et elle pourra alors en tirer quelques principes. Ce qu’elle a fait ? C’est comme demander aux seuls militants UMP ce qu’ils pensent de Besancenot… et d’en tirer les grandes lignes de la personnalité du trotskyste. Un peu pipé comme méthode, non ?

[(…) avant d’affirmer de fausses vérités, tu devrais prendre la peine d’écouter ceux qui ont vécu comme nous, à un moment, cet enfer, car il te manque des morceaux (…).]
J’ai vécu, tout comme toi, cette époque, et j’ai eu ma part d’enfer… je n’ai donc aucune leçon de vérité à recevoir. J’ai intégré les pièces du puzzle que tu as bien voulu me fournir, mais je ne rejette pas mes propres pièces.

[Tu es la deuxième personne sortie de la secte de Heïm qui a une telle réaction face à moi, l’autre c’est ma génitrice qui, elle aussi, s’est enfermée dans son petit monde, sûrement par protection et refus ou impossibilité de vivre face à la réalité du vécu avec Heïm .]
Curieux rapprochement d’avec ta génitrice que je n’ai que très peu côtoyée et qui ne doit rien partager de commun avec moi. Nous voilà tout de même réunis dans une nouvelle critique contradictoire de ta part. Me reprocher de te reprendre tout en me supposant « enfermé dans mon petit monde »… Chez qui donc se niche la condescendance en l’espèce ? Tu serais, toi, en parfaite maîtrise du monde global révélé alors que ceux qui ne partagent pas ta vision ne peuvent qu’être victimes de leur perception étriquée. Ce doit être ça qu’on nomme l’autocritique…
Sache que je ne me sens cloisonné par rien, que des myriades de sujets me passionnent et souvent dans un sens qui ferait bondir Heïm tout comme cela a pu te déplaire… Ceci dit, je te remercie de cette compassion un chouia donneuse de leçon, mais je suis, et ce depuis dix ans cette année, totalement sorti de la vie autour de Heïm. Pas pour cela que je vais devenir autre.

[J’aurais aimé en discuter avec toi plutôt que tu restes derrière cette façade (moi j’assume tout et ne renie rien) qui t’aide certainement à vivre mais qui est la fausse histoire, celle des livres d’école.]
Pas bien saisi pourquoi mon principe de ne rien renier serait la « fausse histoire »… Je dois vraiment n’être qu’un gentil (ou méchant, selon les moments) bourrin à tes yeux pour n’avoir droit qu’à cette suite de constats simplistes.
Ce n’est certainement pas dans les livres d’école que j’ai appris comment assumer mes engagements. Cette négation absolue du libre-arbitre, même très contraint, me gêne. Que tu te perçoives comme une marionnette intégrale de Heïm jusqu’à ton affranchissement, libre à toi, mais ne te substitue pas à la conscience de chacun. Savoir qui l’on a été, même sous une influence déterminante, c’est assumer sa part de responsabilité.

[Je suis prête à t’expliquer pourquoi Florence et moi n’avons jamais pu faire de droit. Je n’ai pas besoin de mentir, ce n’était absolument pas de notre faute ; c’était une grande mascarade et je veux bien là encore te donner mon témoignage. Je n’ai pas besoin de mentir et d’arranger ma vie, j’ai six ans de psy derrière moi et tout y est passé.]
Prêt à m’enrichir de ton témoignage, mais indigné du sous-entendu me concernant : je n’aurais fait « qu’arranger ma vie » et, pourquoi pas, mentir sur certaines données. Voilà le genre d’attaque qui m’insupporte. Pure médisance. Ce que j’avance sur mes activités est la stricte vérité. Que ta perception diffère n’empêchera jamais les faits de s’imposer : là, mes archives peuvent témoigner de ce que j’ai fait, quelle que soit ma dépendance de Heïm que je ne conteste pas.
Pour le reste, le témoignage affectif, l’échange de son vécu pour progresser dans la vérité, je ne peux que l’accepter, sans aucune animosité. Ne plus être lu par toi serait peut-être la seule voie saine. Eviter toute nouvelle rencontre, de près ou de loin, pour vivre chacun son univers.

Mardi 15 juillet
Grand bleu au Cellier : suffisamment rare pour ne pas en perdre une miette.
Fastidieuse réponse au courriel d’Alice. Cela était-il utile ? Ne devrais-je pas me contenter d’un clin d’œil affectif : critiques lues, enregistrées, mais aucune intention de suivre certains conseils. Je ne m’interdis aucun sujet, je suis prêt à entendre toute révélation favorisant ma compréhension du passé, mais je ne rognerai pas sur mes fondamentaux.
En en sachant un peu plus sur les crades coulisses des années 80 et 90, j’admets que mon Journal pamphlétaire ressemble à un Journal à œillères, non point parce que je ne voulais pas savoir, mais parce que je n’avais aucun moyen de savoir, sauf à prendre au pied de la lettre ce que Heïm présentait comme de l’outrance humoristique.
La meilleure preuve de la sincérité de mon engagement en sont les multiples mots d’encouragement et dessins affectueux d’Alice qui jalonnent les premiers manuscrits du Journal. Jamais, au cours de ces années, et nous étions tous les deux majeurs et aptes à raisonner, Alice n’a laissé perler la moindre réserve tant pour le style que pour les propos. Et elle était la seule à qui je passais à lire si souvent les pages de ce témoignage d’une gestion cahoteuse. Il faut croire que ses œillères étaient au moins aussi déployées que les miennes.
Même si, aujourd’hui, elle juge trop timorées les passages contre Heïm de mon Journal à taire, elle ne peut nier la profondeur de mes divergences avec ce personnage. Ma limite, c’est la négation de tout ce que j’ai été, fait et apprécié. Devrait-on brûler tous les ouvrages de Maupassant, Gide et Céline parce qu’ils ont été respectivement malade sexuel, pédophile et antisémite ? Depuis quand le critère du goût artistique doit-il passer par le crible de l’exemplarité des artistes ? Quel triste et insipide univers culturel ce serait…
Alors voilà : prêt à nourrir ces pages des témoignages extérieurs, sans retenue, mais pas à tirer un trait sur ce que j’ai été et ce que j’ai écrit, quitte à déclencher ironies et moqueries des médiocres qui, eux, n’ont rien produit d’autre que leurs piques à très courte portée. Qu’il s’acharnent, qu’ils poursuivent, qu’ils s’essoufflent, c’est pour moi la garantie que je suis dans le juste.

Jeudi 17 juillet
Malgré le caprice des cieux, journée d’hier sur la côte sauvage. Du factuel, un peu. Passage à l’Océanorium du Croisic, déjeuner sur le port avec, notamment, une succulente choucroute de la mer et son abondant beurre blanc, trop bref arrêt sur une plage de La Baule. Voilà une relation dégraissée de tout commentaire.
Samedi, nous rejoindrons l’hôtel Le Robinson, à la sortie d’Auch, niché dans un coin de bois. De là, nous pourrons découvrir les paysages, les vieilles pierres et les mets roboratifs du Gers.

Fascinante constitution du cerveau : le cortex présente un million de colonnes de neurones, sorte de mystérieuses toiles où les connexions se démultiplient. La fameuse matière blanche donne ainsi vie aux quelque dix milliards de neurones. Les dernières recherches ont démonté l’idée reçue d’une inexorable perte de neurones à partir de l’âge adulte. L’important tient avant tout à la qualité des liens intra et inter colonnes : de là peuvent surgir les fulgurances qui permettent à quelques rares êtres de changer la face de la civilisation humaine.
A côté, nos ordinateurs font encore pâle figure, même si les progrès techniques en font des machines de plus en plus puissantes.
La mère de BB ne semble pas vouloir laisser pénétrer Internet dans sa maison. Comme elle l’a imposé pour la télévision, proscrite du foyer, elle refuse l’incontrôlable média qui accueille la plus représentative palette humaine.
Je suis toujours étonné par cette rigidité intellectuelle consistant à rejeter un moyen technique d’emblée plutôt que de sélectionner ce qu’il peut nous apporter de mieux. La démarche qu’elle adopte avec la presse et la radio, elle la refuse pour la télévision et Internet… Laisser le monde évoluer sans soi, n’est-ce pas le signe premier d’un dommageable abandon ?

La lecture de La course contre la honte de Pierre Clavilier m’inspire cette réflexion sur les kamikazes islamistes et/ou palestiniens. Se donner ainsi la mort, laquelle est instantanée et n’a d’horrible dans la conscience que son évocation, revient à seulement avancer l’inexorable et naturelle échéance. Combien serait plus troublant pour la compréhension de l’esprit de ces extrémistes de la cause religieuse, s’ils se savaient condamnés aux pires souffrances et handicaps jusqu’à une mort hissée en délivrance.

Vendredi 18 juillet
Vers 11h. Le projet d’une dernière trempette à Saint-Michel Chef Chef est annulé au regard de l’épaisseur nuageuse. Demain, la dernière phase des vacances débute : dualité dans le Gers.
Hier soir, nous répondons à l’invitation du gentil couple voisin qui avait remplacé Grace et Humphrey (immobilisé par l’appendicite) au déjeuner offert par les parents B au château de Funès pour leurs quarante ans de mariage. L’homme, la soixantaine, confirme sa passion pour l’œnologie : dégustation commentée d’un Cabernet rosé bien frais et de deux Coteaux du Layon de l’année. Les températures requises pour tel type de vin (du champagne millésimé au vieux Bordeaux en passant par le Bourgogne), les années de garde conseillées pour un nectar à maturité : ces univers ne présentent plus trop de secrets pour l’affable amateur. J’apprends, par exemple, que les grands Bordeaux sont aujourd’hui conçus, le plus souvent, pour atteindre leur sommet gustatif au bout de sept à huit ans, seulement. Sortir un prestigieux château bordelais 2007 en 2025 n’aurait donc plus aucun sens, et pourrait même constituer une source d’escroquerie pour ceux tentant les surenchères de prix en se calquant sur le modèle vingtiémiste.

Samedi 19 juillet
Auch m’emballe ! Rien à faire : la première impression donnée par une localité vaut celle produite par la vue d’un être. On accroche ou pas.
La préfecture du Gers, malgré sa très modeste taille, offre tous les atours de la ville historique avec espaces majestueux, ruelles imprégnées des siècles précédents et population conviviale, mais qui garde la distance requise.
L’employé de l’office du tourisme a très efficacement comblé nos curiosités, enchaînant les questions pour mieux sérier nos attentes et nous délivrer les documents adéquats. Un bon professionnel, tout simplement.
Premier arrêt gustatif à une brasserie-pub servant du tartare gascon : viande, tranche de foie gras et magret de canard pour un succulent trio. Là encore, accueil très agréable, dosé à la juste mesure, l’équilibre pour ne verser ni dans la froideur austère, ni dans le copinage collant.
Notre séjour s’annonce avec tous les atours d’une belle rencontre dans cette merveilleuse France aux mille visages géographiques.
Aux antipodes, le Tour de France 2008 est salopé par quelques tricheurs minables. Quasiment coupé de l’actualité depuis quinze jours, Le Monde week-end, acheté ce matin, en fait l’un des titres de la Une. L’un des espoirs du cyclisme mondial, un Espagnol de 24 ans dont il convient d’oublier le patronyme, a vu ses exploits lors d’étapes du Tour ratatinés au rang de foireuses manœuvres d’un dopé. Aucune clémence : la radiation du cyclisme professionnel doit être à vie et les amendes dissuasives. On peut soupçonner l’équipe entière de n’être pas exempte de similaires saloperies.



Dimanche 20 juillet, 22h37
De retour au bercail du Robinson, emplis de sons et de boustifaille.
Matinée centrée sur la découverte de la vieille ville par le biais d’un circuit conseillé. De l’escalier monumental aux quelques pousterles, les dénivelés de marches activent nos mollets. Toujours si peu de monde dans les rues : un vrai confort pour photographier les lieux sans trognes malvenues. Un bien-être qui se confirme : je me sens en phase avec l’atmosphère de cette ville.
Au détour d’une rue gardée par quelques policiers, nous tombons en pleine commémoration de la journée contre le racisme et l’antisémitisme et en hommage aux Justes de France (moins de trois mille personnes) ayant accueilli et sauvé des juifs sous le régime pétaino-nazi. Sobriété du discours du préfet (seul officiel présent, les autres – maire, président du Conseil général – se sont fait représenter) suivi de la sonnerie aux morts, de la Marseillaise et du dépôt des gerbes de chaque corps constitué.
Grand écart pour l’après-midi musicale : la dixième édition du festival Cuivro’foliz à Fleurance accueille une douzaine de fanfares : de jeunes musiciens déchaînés font très vite oublier la connotation pantouflarde qu’on pouvait avoir de ce type de groupes. Les textures varient : du jazz au rap, du métissage des genres aux improvisations collectives. Du bon enfant, un tantinet chargé d’alcool le soir. Nous nous éclipserons avant le crépuscule et le Poivrot’foliz.
Nous entrecoupons les musicales, mais bruyantes, prestations par un concert d’une heure d’un organiste plutôt doué dans la cathédrale Sainte-Marie d’Auch. Né en 1974, l’artiste a obtenu une médaille d’or dans ce domaine à dix-neuf ans ; performance remarquable pour les connaisseurs.
Pour ne pas quitter le religieux, petit détour, avant l’extinction des feux, vers Le mendiant ingrat de Bloy dont la personnalité me partage de plus en plus. Courageux engagement pour défendre le lynché Laurent Tailhade, mais exaspérante posture de quémandeur à œillères religieuses. Parfois l’envie de l’étouffer par un trop-plein d’hosties pour qu’il dégorge d’un coup cet obscurantisme, si véhément soit-il.



Lundi 21 juillet
18h. Nouvelle escapade-découverte : la matinée sur les pas d’Etigny, un intendant d’Auch du XVIIe siècle ayant particulièrement embelli la localité ; arrêt déjeuner léger au café-brasserie d’Artagnan (autre immense figure gascogne), puis visite de la cathédrale Sainte-Marie. Même agnostique, je reste admiratif de l’abondance artistique d’anonymes portés par la foi. La douzaine de chapelles qui jalonnent le pourtour de l’édifice religieux, comme autant de niches somptueuses dédiées à la spiritualité, rivalisent d’apparats ayant mobilisé les plus nobles arts. Quant au chœur, il se présente comme un confortable ovale délimité par un gigantesque paravent de chêne sculpté en hommage à de multiples figures mythologiques et religieuses. Encore une merveille de l’art catholique.
Pour la suite, passage dans trois villages du grand Auch dans lesquels nous semblions être les seuls touristes à fureter le bon angle, la belle vue, dans les ruelles escarpées : Montaut-les-Créneaux, Castelnau Barbarens et Pessan. Pas du transcendant esthétique, mais de relaxantes balades avec ma BB.
Retour aux saveurs culinaires pour ce soir : à vingt heures, La Table d’Oste… Le tourisme vert a décidément du bon lorsqu’il flirte avec les mets locaux.

Mardi 22 juillet
8h53. La réforme des institutions a donc trouvé preneur grâce à l’appoint d’une voix : pour les parlementaires socialistes aucun doute, Jack Lang le renégat en est l’incarnation.
Dépité, aux Quatre vérités sur France 2, le souverainiste Dupont-Aignan dit ne rien regretter de son vote contre : on ne perçoit pas bien ce que son vote pour aurait changé ! Commentaire nul et non avenu.
Régal, hier soir, à la Table d’Oste (ou table d’hôte) : une planche des principaux mets gascons avec une bouteille de rouge régional. Une partie de la conversation sur le nouvel éloignement d’avec Alice : ma BB me conseille de la rappeler et de l’écouter. Soit. La démarche affective pourrait dépasser le contentieux existentiel. Je n’ai d’ailleurs jamais remis en cause son terrible témoignage. Je n’éprouve pas cette haine absolue de Heïm, mais ne réprouve pas qu’elle la ressente. Voilà le point d’achoppement : qu’elle admette un ressenti autre. Pas très en mots, ce matin.
13h10. À nouveau sur la place de la Libération pour un rapide déjeuner (nos premiers sandwiches)) avant de prendre le bus 4 qui nous acheminera, grosso modo, vers notre Grande Punto, via l’hippodrome. La promenade le long du Gers, après quatre kilomètres aller sous l’astre brûlant, nous a décidé à un retour motorisé.
18h56. Le calme rural de la Baïse en kayak : activité réussie pour l’après-midi. Hormis une famille de touristes étrangers, nous ne croisons personne sur le tronçon sis entre deux barrages. L’eau paisible présente divers obstacles végétaux facilement contournables.
Sur le trajet routier pour aller au lieu de départ des embarcations, le village Beaucaire, deux éléments pour nourrir mes charges contre certaines facettes de l’univers automobile.
Côté grotesque : un panneau jaune triangulaire alertant de la présence… d’arbres le long de la route ! Le Gers a conservé le charme de certaines départementales habillées de platanes en enfilade. Dans d’autres coins, des autorités administratives ont décidé l’éradication des majestueux arbres qui avaient la sporadique, mais criminelle, habitude de couper la trajectoire d’automobilistes sortis du tracé d’asphalte. Alors, hop ! on coupe ! Ainsi, les chauffards ronds comme des queues de pelle et les jeunots branleurs en mal de sensations fortes peuvent perpétuer leur habituelle délinquance routière.
Ici, dans le Gers, on a trouvé la voie médiane : conserver l’esthétisme, mais faire prendre conscience aux égarés et aux tarés de la route de cette imposante présence IMMOBILE ! A quand les panneaux qui alerteront les mêmes décérébrés du possible passage d’autres véhicules sur la même route qu’eux ?
Côté symbolique : une silhouette sombre en bord de route, signalant aux consciences le trépas anonyme d’une des leurs, est comme guillotinée à la moitié du torse, ajoutant à l’incarnation une seconde mort, mais privant l’objet de sa forme humanoïde. J’ose espérer que ce ne soit pas le méfait d’un conducteur enragé par ce rappel à la prudence vitale.

Mercredi 23 juillet
8h52. Rien à dire sur les autochtones, jusqu’à présent. Parmi les touristes qui crèchent au Robinson, en revanche, un spécimen de sans-gêne, de lourdaud m’as-tu-vu qui m’a contraint à sortir un instant de la quiétude.
Après 23 heures, le gus au portable greffé ne trouve rien de mieux (je le découvrirai en sortant l’interpeller) que de laisser la lourde de sa piaule ouverte et de déambuler dans le couloir (le système d’éclairage est basé sur la captation des mouvements) pour bien faire profiter chaque hôte de ses fadaises, inepties, insondables débilités débitées. Après trente à quarante minutes du crétin manège, j’ouvre brusquement notre porte pour lui demander combien de temps allait durer ce cirque. Là que je distingue (sans lentilles ni lunettes) qu’il crèche, très temporairement je l’espère, juste en face. Du flou de sa silhouette je retiens le branleur tout de blanc décontracté vêtu, le cheveu lissé en arrière et la tronche imbue. Trois minutes après mon intervention d’hirsute en grogne, le bellâtre fadasse a laissé les capteurs tranquilles : le sommeil a pu se substituer à l’énervement.


Trente-deux degrés à l’ombre prévus pour cet après-midi. Nous passons la journée à Condom (vagabondage dans la ville le matin, bronzage et baignade au centre de loisirs aqualudiques de la Ténarèze pour la suite) et la soirée à la ferme de la Gouardère (à Roquelaure) pour un repas champêtre avec trio de jazz. Des vacances encore, en somme !
Confirmation de notre visite à la famille paternelle samedi prochain sur leur lieu de détente dans l’Ain, au Petit Abergement, dans un gîte qui pourra nous accueillir le soir. Nous aurons ainsi cultivé le dépaysement hexagonal jusqu’au dernier jour de mes congés estivaux (ma BB ne reprendra son labeur que le vendredi suivant).
Le journal télévisé de ce matin rapporte le cas d’un nouveau décès d’enfant (une fillette de deux ans et demi) oublié dans une voiture. Un cadre d’Aréva serait le père plus que négligent. Parmi les commentaires recueillis, celui, ahurissant, d’un collègue de travail : « c’est malheureux, mais cela peut arriver à n’importe qui » ! On nivelle pour justifier le criminel comportement.

Jeudi 24 juillet
9h06. Un peu décevant, le repas champêtre avec trio de jazz. Un menu trop basique pour son coût, un groupe sans flamme, jouant de leur instrument comme on va au boulot, compétents mais pas transcendants, une assemblée sage, de ce fait. Tout de même, à notre table : des ch’tits pur jus pour égayer l’ambiance.
Du gris au ciel, ce matin, comme pour sonner la fin des distractions. Nous poursuivons, même sans soleil, jusqu’à la dernière miette.
Profiter du ciel bas pour mitrailler en noir et blanc les sites visités. Charme du clocher hélicoïdal de Barran : l’illusion d’un mouvement qui l’élancerait plus haut vers les cieux. Toujours le confort de lieux non surchargés en présences humaines, permettant les plus panoramiques perspectives à impressionner sur pellicule.
A Bassoues, après s’être élevés à plus de quarante mètres sur la plate-forme circulaire du donjon, nous nous restaurons sur la moyenâgeuse terrasse animée par un trio enchanteur de serveuses au souffle entraîné. Pour ces longueurs de tablées combles, elles se coordonnent avec bonne humeur dans un ballet de services improvisés au gré des attentes.
18h28. Passage à l’antre des tentations, la Maison de Gascogne à Auch, pour divers produits liquides, solides et semi… pour nous ou pour offrir. Nous finissons de nous préparer pour finir à, selon Le Routard, la meilleure table du Gers, Le Jardin des Saveurs à l’Hôtel de France. Quintessence gustative à l’horizon… avant le retour au bercail lyonnais et à notre nid (qui nous manque un peu… juste un peu !).
19h20. Au cœur d’Auch pour cette dernière soirée duale de nos vacances gersoises. Arrivée en avance pour apercevoir quelques bribes des festivités auscitaines, nous finissons au calme sur un banc de la place Salinis. Coin de quiétude avant de butiner les saveurs.

Dimanche 27 juillet
Non loin du Petit Abergement, dans le Jura.
Triste privilège, signe d’une maison en perdition : nous étions seuls dans la grande et haute salle du Jardin des Saveurs. Impression d’assister aux derniers soubresauts de cette table de renom dans le département, qui a vu s’installer dans ses larges fauteuils nombre de personnes de pouvoir. Bon moment avec ma BB à déguster leurs mets bien dosés. Profiter de ce bonheur en Gers et en Auch !

Retour à Lyon le vendredi pour retrouver quelques heures notre nid intact avant de repartir, pour un séjour exprès, visiter pôpa et les siens.
A-y-est ! Alex, qui va investir le lycée, nous dépasse tous, le long corps encore en pousse. Raph, lui, est sur le chemin, et poursuit sa brillante scolarité avec son année de Cinquième qui se profile, classe symbole pour moi puisqu’elle me faisait retrouver l’école républicaine après quelques années passées au château d’O.

Je fais découvrir à pôpa le contenu de la polémique entre Alice et moi : au-delà de la violence de l’échange, il ressent toute l’affection qui nous relie. Il a raison, mais notre approche du monde et la gestion du passé parasitent le lien.
A propos de Heïm, il me confie les doutes qu’il a eus, à l’époque de la JFPF, sur la réalité d’un alitement maladif de son créateur au moment même où il demandait à ses collaborateurs un engagement physique contre des adversaires désignés. Ce serait le comble qu’en plus du manipulateur, de l’exploiteur et de l’abuseur sexuel se greffe un pleutre aux éclats de matamore. J’ai encore du mal à le croire, mais le doute émerge.
Il faudrait avoir le témoignage des plus proches qui ont croisé sa trajectoire multi facettes au cours du demi siècle pour espérer tracer une réalité de la part immergée du personnage.
J’avance dans la lecture du Mendiant ingrat de Bloy et je découvre les emprunts de Heïm à cet auteur. Par exemple le projet d’ouvrage qui devait se titrer Heïm ?... Connais pas ! est calquée sur l’exclamation d’Alphonse Daudet lorsqu’on lui parle de Bloy, et que celui-ci rapporte le 8 avril 1895. D’autres rapprochements m’attendent.
Sur le fond, la volonté de pèlerin de l’Absolu de se faire haïr par le maximum de gens tranche avec la première partie de la vie de Heïm, à l’affût de toutes les adorations possibles, mais semble devenir, de fait, sa condition finale par les abus de ce consommateur de pâtes humaines…


23h30. Là, vraiment au bord de la reprise. Une journée administrative pour commencer en douceur ; réveil à 6h45.
Grandes nouvelles d’Elo : elle a son diplôme, elle est en voie pour décrocher un CDD à Courchevel et, surtout, elle envisage de se marier avec son Julio en juillet 2010. Encore un peu de temps devant elle pour la robe, donc, ce qui ne l’empêche pas de me soumettre quelques modèles retenus. Par ailleurs, je fais partie des possibles retenus pour être son témoin. Mon handicap : trop la connaître ce qui, vis-à-vis de l’élu de son cœur, pourrait être déplacé. Advienne ce qu’elle voudra, donc. Je suis déjà si touché qu’elle m’ait annoncé cela. En espérant surtout que cette union engendre un bonheur majoritaire (à défaut d’être total) pour l’existence d’Elo.

Lundi 28 juillet
Une reprise climatisée à l’accueil de Cqfd alors que l’air lyonnais est surchauffé.

Petit travail littéraire de ces deux derniers soirs : donner un titre à chaque année de mon Journal mise en ligne afin de l’identifier autour d’une image forte.
L’Illusoire Absolu pour 1991 pose d’emblée le hiatus total entre l’intention naïve et la réalité qui se profile.
1992, année de L’Obsession (trouvé par ma chère Elo, à qui j’ai soumis le premier jet, Sur la lancée) : réussir coûte que coûte la mission confiée, quitte à se perdre soi-même. Imparable : L’Effondrement devait qualifier la sombre année 1993 annonciatrice des liquidations en série. Au Purgatoire, en 1994 comme je le rappelle fréquemment, je tente de gérer les ruines depuis ce refuge sordide (pour mes yeux d’alors) rue Vercingétorix à Paris. Mon Alésia à moi. La Renaissance à œillères vise 1995 et mes multiples complicités littéraires (notamment avec Chapsal et Kelen) sans prendre conscience du  
cas Heïm et de ses intolérables manipulations qui se poursuivent dans l’impunité.
Sur les Cendres, au sortir du gâchis engendré, n’empêche pas la rencontre épistolaire avec celle que je surnomme Sandre dès 1996. La correspondance et le lien se poursuivront en 1997, d’où le choix de Persistance duale, 
et ce malgré les ordurières attaques verbales, toujours revendiquées comme affectives, de Heïm et de ses sbires féminines contre celle avec qui je devais me fiancer. Seul compromis trouvé : L’exil volontaire à Lyon (Grézieu puis Tassin, plus exactement) en 1998. Le prétexte de cette histoire pour m’éloigner du château d’Au ne règlera pas tous mes doutes puisque la dualité cesse l’année suivante, laissant place à L’ancrage incertain. La déprime s’intensifie en 2000 : les Soubresauts d’un inadapté résumant une humeur heurtée sans lien durable. Les Excroissances jouissives de 2001 n’atténueront rien de la perdition en route, jusqu’à la rencontre de ma BB qui apportera, enfin, la sérénité en 2002.
A l’aune de soi est l’apaisante conséquence de cette relation naissante. Vivre à sa dimension, en s’affranchissant des parasitages passés. Entre grogne et affection, en 2003, systématise une double approche du monde, A l’Orée des équilibres de 2004 qui permet d’oublier ses inconstances pour s’accrocher à la propriété immobilière. S’Unir à l’Essentiel, en 2005, couvre non seulement une philosophie de vie, mais aussi mon attachement à l’UE dans le passionné débat autour du TCE, malheureusement rejeté. 2006 s’achève bien dramatiquement avec la mort de grand-mère : Des Cyprès démesurés, ceux du cimetière de Fontès, forment le plus discret, mais intense, hommage à lui rendre.

Mardi 29 juillet
La touffeur nocturne liquéfie le semblant d’inspiration. Des journées à administrativer sans passion, mais en agréable et apaisante compagnie (respectivement CM et LD de Cqfd).
Samedi, projet de se retrouver au lac de Paladru pour pique-nique et ski nautique avec PP et HG, s’ils sont disponibles. A savourer immodérément.

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